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situation compromise.

— Ma maman ?…

— Eh bien ?…

— Ce n’est pas vous ?…

— Qui… moi… ta maman ?…

— Puisque vous m’appelez votre enfant !…

— Cela se dit, mon chérubin, cela se dit toujours aux bébés de ton âge !… Pauvre petit, il a pu croire !… Non ! je ne suis pas ta maman !… Si tu avais été mon fils, ce n’est pas moi qui t’aurais délaissé… qui t’aurais voué à la misère !… Oh non ! »

Et miss Anna Waston, infiniment émue, termina la conversation en embrassant de nouveau P’tit-Bonhomme, qui s’en alla tout chagrin.

Pauvre enfant ! Qu’il appartienne à une famille riche ou à une famille misérable, il est à craindre qu’il ne parvienne jamais à le savoir, pas plus que tant d’autres, ramassés au coin des rues !

En le prenant avec elle, miss Anna Waston n’avait pas autrement réfléchi à la charge que sa bonne action lui imposait dans l’avenir. Elle n’avait guère songé que ce bébé grandirait, et qu’il y aurait lieu de pourvoir à son instruction, à son éducation. C’est bien de combler un petit être de caresses, c’est mieux de lui donner les enseignements que son esprit réclame. Adopter un enfant crée le devoir d’en faire un homme. La comédienne avait vaguement entrevu ce devoir. Il est vrai, P’tit-Bonhomme avait à peine cinq ans et demi. Mais, à cet âge, l’intelligence commence à se développer. Que deviendrait-il ? Il ne pourrait la suivre pendant ses tournées de ville en ville, de théâtre en théâtre… surtout lorsqu’elle irait à l’étranger… Elle serait forcée de le mettre en pension… oh ! dans une bonne pension !… Ce qui était certain, c’est qu’elle ne l’abandonnerait jamais.

Et un jour, elle dit à Élisa :

« Il se montre de plus en plus gentil, ne remarques-tu pas ? Quelle affectueuse nature ! Ah ! son amour me paiera de ce que j’aurais fait pour lui !… Et puis… précoce… voulant savoir les choses… Je trouve même qu’il est plus réfléchi qu’on ne doit l’être si jeune… Et