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même matière. Lorsqu’on le frappait du pied, il rendait un son particulier, que Uncle Prudent aurait eu quelque peine à classer dans la catégorie des bruits connus. Autre remarque : en dessous, ce plancher paraissait sonner le vide, comme s’il n’eût pas directement reposé sur le sol de la clairière. Oui ! l’inexplicable frrr semblait en caresser la face inférieure. Tout cela n’était pas rassurant.

« Uncle Prudent ? dit Phil Evans.

― Phil Evans ? répondit Uncle Prudent.

― Pensez-vous que notre cellule se soit déplacée ?

— En aucune façon.

― Pourtant, au premier moment de notre incarcération, j’ai pu distinctement percevoir la fraîche odeur de l’herbe et la senteur résineuse des arbres du parc. Maintenant, j’ai beau humer l’air, il me semble que toutes ces senteurs ont disparu…

― En effet.

― Comment expliquer cela ?

— Expliquons-le de n’importe quelle façon, Phil Evans, excepté par l’hypothèse que notre prison ait changé de place. Je le répète, si nous étions sur un chariot en marche ou sur un bateau en dérive, nous le sentirions. »

Frycollin poussa alors un long gémissement qui eût pu passer pour son dernier soupir, s’il n’eût été suivi de plusieurs autres.

« J’aime à croire que ce Robur nous fera bientôt comparaître devant lui, reprit Phil Evans.

― Je l’espère bien, s’écria Uncle Prudent, et je lui dirai…

― Quoi ?

― Qu’après avoir débuté comme un insolent, il a fini comme un coquin ! »

En ce moment, Phil Evans observa que le jour commençait à se faire. Une lueur, vague encore, filtrait à travers l’étroite meurtrière, évidée dans la partie supérieure de la paroi, à l’opposé de la porte. Il devait donc être quatre heures du matin, environ, puisque c’est à cette heure que, dans ce mois de juin et sous cette latitude, l’horizon de Philadelphie se blanchit des premiers rayons du matin.