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seconde patrie.


– Oublies-tu donc, Fritz, que j’étais ta femme ?… Aurais-je pu hésiter à quitter l’Europe, à revoir là-bas tous ceux que j’aime, ta famille, mon Fritz, qui est désormais la mienne ?…

– Jenny… Jenny… il n’en est pas moins vrai que je t’ai entraînée à de nouveaux périls, et tels que je n’y puis songer sans épouvante… oui !… épouvante, dans la situation où nous sommes !… Et, pourtant, tu avais déjà eu ta part, ta grande part d’épreuves en ce monde!… Ah! ces rebelles, qui en sont la cause… qui nous ont abandonnés… toi, déjà victime du naufrage de la Dorcas, te voilà jetée sur une terre inconnue, plus inhabitable que ton îlot de la Roche-Fumante…

– Mais je n’y suis pas seule, j’y suis avec toi, avec ton frère, avec nos amis, avec des hommes résolus, et je ne tremble ni devant les dangers présents ni devant ceux à venir !… Je sais aussi que tu feras tout pour le salut commun…

– Tout, ma bien-aimée, s’écria Fritz, et bien que la pensée que tu es là doive redoubler mon courage, cette pensée me fait tant de mal que j’ai envie de tomber à tes genoux… de te demander pardon !… C’est ma faute, si…

– Fritz, répondit la jeune femme, en se pressant sur le cœur de son mari, personne ne pouvait prévoir les éventualités qui se sont produites… une révolte à bord… et les conséquences de cette révolte, notre abandon en