Page:Verne - Seconde Patrie - II (1900).djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

122
seconde patrie.

pas y songer et se précautionner contre les longs et sombres jours de la mauvaise saison ?…

Il n’y avait pas lieu de compter sur les saumons, qui remontaient en si grande abondance à certaines époques le ruisseau des Chacals de la Nouvelle-Suisse. Toutefois, un jour, un banc de harengs vint s’échouer à l’embouchure du petit rio. On en prit plusieurs centaines, qui, après avoir été fumés au-dessus d’un feu de goémons secs, fournirent une importante réserve.

« Ne dit-on pas que le hareng porte son beurre avec lui ?… observa John Block. Eh bien, si cela est, en voici qui sont tout accommodés… et je me demande ce que nous ferons de tant de si bonnes choses !… »

Pendant ces six semaines, à plusieurs reprises, on essaya d’escalader le promontoire pour gagner le plateau de la falaise. Comme toutes ces tentatives furent infructueuses, Fritz résolut de contourner le morne de l’est. Mais il se garda bien de confier son projet à personne, sauf à John Block. Aussi, dans la matinée du 7 décembre, tous deux se dirigèrent-ils vers la crique sous prétexte de ramasser des tortues à sa pointe orientale.

Là, au pied de l’énorme masse rocheuse, la mer brisait avec rage et, à vouloir la doubler, assurément Fritz exposerait sa vie.

En vain le bosseman voulut l’en détourner… Il n’obtint rien, et n’eut plus qu’à lui prêter son aide.