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seconde patrie.

tionalité anglaise, ce bosseman s’appelait Block, — John Block.

L’autre, plus jeune, — il comptait à peine dix-huit ans, — ne semblait pas appartenir à la catégorie des gens de mer.

Au fond de la chaloupe, sous le tillac ou sous les bancs, n’ayant plus la force de manier les avirons, étaient couchées un certain nombre de créatures humaines, parmi elles, un enfant de cinq ans, — un pauvre petit, dont les gémissements se faisaient entendre, et que sa mère essayait de calmer par de vagues paroles entrecoupées de baisers.

À l’avant du mât, sur le tillac, près de l’étai de foc, deux personnes, immobiles, silencieuses, la main dans la main, s’abandonnaient aux plus tristes réflexions, et si profonde était l’obscurité qu’elles ne pouvaient s’entrevoir qu’à la lueur des éclairs.

Du fond de l’embarcation s’élevait quelquefois une tête qui se rabaissait aussitôt.

À ce moment, voici ce que le bosseman dit au jeune homme étendu près de lui :

« Non… non… j’ai observé l’horizon au coucher du soleil… il n’y avait en vue aucune terre, aucune voile… Mais ce que je n’ai pas aperçu ce soir se montrera peut-être au jour levant…

– Il faut pourtant, bosseman, répondit son compagnon, que nous ayons atterri quelque part avant quarante-huit heures, ou le dernier de nous aura succombé…