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seconde patrie.


Du reste, ils n’eurent pas le temps de réfléchir. Dans peu d’instants, avec le vent qui fraîchissait, le Flag se serait éloigné de quelques milles…

Le bosseman s’était placé à la barre, Fritz et François au pied du mât, prêts à hisser la voile, dès que la chaloupe ne serait plus à l’abri du navire.

Quand au capitaine Gould, il avait été déposé sous le tillac de l’avant. Hors d’état de se soutenir, étendu sur des couvertures, Jenny lui donnait ses soins.

À bord du Flag, les matelots, penchés au-dessus des bastingages, regardaient silencieusement. Pas un d’entre eux ne se sentait pris de pitié pour les victimes de Robert Borupt, et l’on voyait leurs yeux ardents luire dans l’obscurité.

En ce moment, une voix s’éleva, – la voix d’Harry Gould, à qui l’indignation rendit quelque force. Après s’être dégagé dû tillac, il venait de se traîner de banc en banc, et, à demi redressé :

« Misérables, s’écria-t-il, vous n’échapperez pas à la justice des hommes !…

– Ni à la justice de Dieu ! dit François.

– Largue !… » cria Robert Borupt.

La bosse retomba en dehors, la chaloupe resta seule, et le navire disparut au milieu des ombres de la nuit.