les coins du monde. C’était comme une folie qui s’était emparée de certains cerveaux. Non ! Il n’était pas possible qu’un pareil billet ne fût pas prédestiné à gagner le lot de cent mille marks. Il semblait qu’il n’y eût qu’un seul numéro dans cette loterie, et ce numéro, c’était le 9672 ! En somme, l’Anglais de Manchester et l’Américain de Boston tenaient toujours la corde. L’Anglais en était arrivé à distancer son rival de quelques livres. Mais, à son tour il fut bientôt dépassé de plusieurs centaines de dollars. La dernière surenchère était de huit mille marks — ce qui ne pouvait s’expliquer que par une véritable monomanie, à moins qu’il ne s’agît là d’une question d’amour-propre entre l’Amérique et la Grande-Bretagne.
Quoi qu’il en soit, Hulda répondait négativement à toutes ces propositions, si avantageuses qu’elles fussent – ce qui finit par provoquer les plus amères récriminations de dame Hansen.
« Et si je t’ordonnais de céder ce billet ! dit-elle un jour à sa fille. Oui ! si je te l’ordonnais !
– Ma mère, je serais désespérée, mais il me faudrait vous répondre par un refus !
– Et s’il le fallait, cependant !
– Pourquoi le faudrait-il ? » demanda Joël.
Dame Hansen ne répliqua rien. Elle était devenue toute pâle devant cette question nettement posée, et elle se retira en murmurant d’inintelligibles paroles.
« Il y a quelque chose de grave, et ce doit être une affaire entre notre mère et Sandgoïst ! dit Joël.
– Oui, mon frère. Il faut s’attendre à de fâcheuses complications pour l’avenir !
– Ma pauvre Hulda, ne sommes-nous donc pas assez éprouvés depuis quelques semaines, et quelle catastrophe nous menace encore ?
– Ah ! combien monsieur Sylvius tarde à revenir ! dit Hulda. Quand il est ici, je me sens moins désespérée…
– Et, pourtant, que pourrait-il pour nous ? » répondit Joël.
Mais qu’y avait-il donc dans le passé de dame Hansen qu’elle ne voulût pas