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le numéro 9672.

Quatorze kilomètres entre Dal et Mœl, ce n’était pas assez pour embarrasser ce vigoureux marcheur.

La kariol suivait donc cette charmante vallée du Vestfjorddal, en côtoyant la rive gauche du Maan – vallée étroite et ombreuse, arrosée de mille cascades rebondissantes, qui tombent de toutes hauteurs. À chaque détour de ce chemin sinueux, on revoyait et on perdait de vue la cime du Gousta, marquée de deux brillantes taches de neige.

Le ciel était pur, le temps magnifique. De l’air pas trop vif, du soleil pas trop chaud.

Remarque singulière, depuis que Sylvius Hog avait quitté la maison de Dal, il semblait que sa figure se fût rassérénée. Sans doute, il se « forçait » un peu, afin que ce voyage fût au moins une distraction aux chagrins de Hulda et de Joël.

Deux heures et demie, il n’en fallut pas davantage pour atteindre Mœl, à l’extrémité du lac Tinn, où devait s’arrêter la kariol. Elle n’aurait pu aller plus loin, à moins d’être une voiture flottante. En ce point de la vallée commence, en effet, le chemin des lacs. Là se trouve ce qu’on appelle un « vandskyde », c’est-à-dire un relais d’eau. Là, enfin, attendent ces fragiles embarcations qui font le service du Tinn, dans sa longueur comme dans sa largeur.

La kariol s’arrêta près de la petite église du hameau, au bas d’une chute de plus de cinq cents pieds. Cette chute, visible sur un cinquième de son parcours, se perd en quelque profonde crevasse de la montagne, avant d’être absorbée par le lac.

Deux bateliers se trouvaient sur l’extrême pointe de la rive. Une barque en écorce de bouleau, dont l’équilibre, absolument instable, ne permet pas un mouvement d’un bord sur l’autre aux voyageurs qu’elle transporte, était prête à démarrer.

Le lac apparaissait alors dans toute sa beauté matinale. Le soleil, à son lever, avait bu les vapeurs de la nuit. On n’aurait pu souhaiter une plus belle journée d’été.

« Vous n’êtes pas trop fatigué, mon brave Joël ? demanda le professeur, dès qu’il fut descendu de la kariol.