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EN ROUTE

« N’allumons-nous pas un grand feu pour la nuit ? demanda Dick Sand à l’Américain.

À quoi bon ? répondit Harris. Les nuits ne sont heureusement pas froides, et cet énorme manguier préservera le sol de toute évaporation. Nous n’avons à craindre ni la fraîcheur, ni l’humidité. Je vous répète, mon jeune ami, ce que je vous ai dit tout à l’heure ! Passons incognito. Pas plus de feu que de coup de feu, si c’est possible.

— Je pense bien, dit alors Mrs Weldon, que nous n’avons rien à craindre des Indiens, même de ces coureurs des bois, dont vous nous avez parlé, monsieur Harris. Mais n’y a-t-il pas d’autres coureurs, à quatre pattes, et que la vue d’un feu contribuerait à éloigner ?

Mistress Weldon, répondit l’Américain, vous faites trop d’honneur aux fauves de ce pays ! En vérité ! Ils redoutent plus l’homme que celui-ci ne les redoute !

– Nous sommes dans un bois, dit Jack, et il y a toujours des bêtes dans les bois !

— Il y a bois et bois, mon petit bonhomme, comme il y a bêtes et bêtes ! répondit Harris en riant. Figurez-vous que vous êtes au milieu d’un grand parc. En vérité, ce n’est pas sans raison que les Indiens disent de ce pays : « Es como el Pariso ! » C’est comme un paradis terrestre !

— Il y a donc des serpents ? dit Jack.

— Non, mon Jack, répondit Mrs Weldon, il n’y a pas de serpents, et tu peux dormir tranquille !

— Et des lions ? demanda Jack.

— Pas l’ombre de lions, mon petit bonhomme ! répondit Harris.

— Des tigres alors ?

— Demandez à votre maman, si elle a jamais entendu dire qu’il y eût des tigres sur ce continent.

— Jamais, répondit Mrs Weldon.

— Bon ! fit cousin Bénédict, qui, par hasard, était à la conversation, s’il n’y a ni lions ni tigres dans le Nouveau-Monde, ce qui est parfaitement vrai, on y rencontre du moins des couguars et des jaguars.

— Est-ce méchant ? demanda le petit Jack.

— Peuh ! répondit Harris, un indigène ne craint guère d’attaquer ces animaux, et nous sommes en force. — Tenez ! Hercule serait assez vigoureux pour écraser deux jaguars à la fois, un de chaque main !

— Tu veilleras bien, Hercule, dit alors le petit Jack, et s’il vient une bête pour nous mordre…