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CENT MILLES EN DIX JOURS

partie moyenne, pas un indigène, pas un nomade ne s’était rencontré sous l’immense forêt.

Dick Sand regretta plus d’une fois, sans en rien dire, de n’avoir pu s’échouer sur un autre point du littoral ! Plus au sud et plus au nord, les villages, les bourgades ou les plantations n’eussent pas manqué, et, depuis longtemps déjà, Mrs Weldon et ses compagnons auraient trouvé un asile.

Mais, si la contrée semblait être abandonnée de l’homme, les animaux se montrèrent plus fréquemment pendant ces derniers jours. On entendait parfois une sorte de long cri plaintif qu’Harris attribuait à quelques-uns de ces gros tardigrades, hôtes habituels de ces vastes régions boisées, qu’on nomme des « aïs ».

Ce jour-là aussi, pendant la halte de midi, un sifflement passa dans l’air, qui ne laissa pas d’inquiéter Mrs Weldon, tant il était étrange.

« Qu’est-ce donc ? demanda-t-elle en se levant précipitamment.

— Un serpent ! » s’écria Dick Sand, qui, son fusil armé, se jeta au-devant de Mrs Weldon.

On pouvait craindre, en effet, que quelque reptile ne se fût glissé dans les herbes jusqu’au lieu de halte. Il n’y aurait eu rien d’étonnant à ce que ce fût un de ces énormes « sucurus », sortes de boas, qui mesurent quelquefois quarante pieds de longueur.

Mais Harris rappela aussitôt Dick Sand que les noirs suivaient déjà, et il rassura Mrs Weldon.

Suivant lui, ce sifflement n’avait pu être produit par un sucuru, puisque ce serpent ne siffle pas ; mais il indiquait la présence de certains quadrupèdes inoffensifs, assez nombreux dans cette contrée.

« Rassurez-vous donc, dit-il, et ne faites aucun mouvement qui puisse effrayer ces animaux.

— Mais quels sont-ils ? demanda Dick Sand, qui se faisait comme une loi de conscience d’interroger et de faire parler l’Américain, — lequel, d’ailleurs, ne se faisait jamais prier pour lui répondre.

— Ce sont des antilopes, mon jeune ami, répondit Harris.

— Oh ! que je voudrais les voir ! s’écria Jack.

— C’est bien difficile, mon petit bonhomme, répliqua l’Américain, très difficile !

— On peut peut-être essayer de les approcher, ces antilopes sifflantes ? reprit Dick Sand.

— Oh ! vous n’aurez pas fait trois pas, répondit l’Américain en secouant la tête,