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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

aucun incident. On ne faisait pas plus de huit à neuf milles par douze heures. Les instants consacrés aux repas ou au repos se succédaient régulièrement, et, bien qu’un peu de fatigue se fît déjà sentir, l’état sanitaire était encore fort satisfaisant.

Le petit Jack commençait à souffrir un peu de cette vie des bois, à laquelle il n’était pas accoutumé et qui devenait bien monotone pour lui. Et puis, on n’avait pas tenu toutes les promesses qu’on lui avait faites. Les pantins de caoutchouc, les oiseaux-mouches, tout cela semblait reculer sans cesse. Il avait été question aussi de lui montrer les plus beaux perroquets du monde, et ils ne devaient pas manquer dans ces riches forêts. Où étaient donc les papegais à plumage vert, presque tous originaires de ces contrées, les aras aux joues dénudées, aux longues queues pointues, aux couleurs éclatantes, dont les pattes ne se posent jamais à terre, et les camindés, qui sont plus spéciaux aux contrées tropicales, et les perruches multicolores, à la face emplumée, et enfin tous ces oiseaux bavards, qui, au dire des Indiens, parlent encore la langue des tribus éteintes ?

En fait de perroquets, le petit Jack ne voyait que ces jakos gris-cendré, à queue rouge, qui pullulaient sous les arbres. Mais ces jakos n’étaient pas nouveaux pour lui. On les a transportés dans toutes les parties du monde. Sur les deux continents, ils remplissent les maisons de leur insupportable caquetage, et, de toute la famille des « psittacins », ce sont ceux qui apprennent le plus facilement à parler.

Il faut dire en outre que, si Jack n’était pas content, cousin Bénédict ne l’était pas davantage. On l’avait un peu laissé courir à droite et à gauche pendant la marche. Cependant, il ne trouvait aucun insecte qui fût digne d’enrichir sa collection. Le soir, les pyrophores eux-mêmes refusaient obstinément de se montrer à lui et de l’attirer par les phosphorescences de leur corselet. La nature semblait vraiment se jouer du malheureux entomologiste, dont l’humeur devenait massacrante.

Pendant quatre jours encore, la marche vers le nord-est se continua dans les mêmes conditions. Le 16 avril, il ne fallait pas estimer à moins de cent milles le parcours qui avait été fait depuis la côte. Si Harris ne s’était point égaré, — et il l’affirmait sans hésiter, — l’hacienda de San-Felice n’était plus qu’à vingt milles du point où se fit la halte ce jour-là. Avant quarante-huit heures, la petite troupe aurait donc un confortable abri où elle pourrait se reposer enfin de ses fatigues.

Cependant, bien que le plateau eût été presque entièrement traversé dans sa