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Page:Verne - Un capitaine de quinze ans, Hetzel, 1878.djvu/214

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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

— Rien !… répondit Negoro, qui parut regretter d’avoir parlé plus qu’il n’aurait voulu.

— Reste maintenant à s’emparer de toute cette marchandise de haut prix, dit Harris.

— Est-ce donc si difficile ? demanda Negoro.

— Non, camarade. À dix milles d’ici, sur la Coanza, est campée une caravane d’esclaves, conduite par l’arabe Ibn Hamis, et qui n’attend que mon retour pour prendre la route de Kazonndé. Il y a là plus de soldats indigènes qu’il n’en faut pour capturer Dick Sand et ses compagnons. Il suffit donc que mon jeune ami ait l’idée de se diriger vers la Coanza…

— Mais aura-t-il cette idée ? demanda Negoro.

— Sûrement, répondit Harris, puisqu’il est intelligent, et ne peut pas soupçonner le danger qui l’attend. Dick Sand ne doit pas songer à revenir à la côte par le chemin que nous avons suivi ensemble. Il se perdrait au milieu de ces immenses forêts. Il cherchera donc, j’en suis sûr, à gagner une des rivières qui courent vers le littoral, de manière à en descendre le cours sur un radeau. Il n’a pas d’autre parti à prendre, et, je le connais, il le prendra.

— Oui… peut-être !… répondit Negoro, qui réfléchissait.

— Ce n’est pas « peut-être », c’est « assurément » qu’il faut dire, reprit Harris. Vois-tu, Negoro, c’est comme si j’avais donné rendez-vous à mon jeune ami sur les bords de la Coanza !

— Eh bien, répondit Negoro, en route. Je connais Dick Sand. Il ne s’attardera pas d’une heure, et il faut le devancer.

— En route, camarade ! »

Harris et Negoro se levaient tous les deux, lorsque le bruit qui avait déjà éveillé l’attention du Portugais se renouvela. C’était un frémissement des tiges entre les hauts papyrus.

Negoro s’arrêta et saisit la main d’Harris.

Tout à coup, un sourd aboiement se fit entendre. Un chien apparut au pied de la berge, la gueule ouverte, prêt à s’élancer.

« Dingo ! s’écria Harris.

— Ah ! cette fois, il ne m’échappera pas ! » répondit Negoro.

Dingo allait se jeter sur lui, lorsque Negoro, saisissant le fusil d’Harris, l’épaula vivement et fit feu.

Un long hurlement de douleur répondit à la détonation, et Dingo disparut entre la double rangée d’arbustes qui bordait le ruisseau.