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EN MARCHE

ces dernières plus nombreuses, hélas ! — Dick Sand se releva, ferme, résolu.

Les premières lueurs du jour éclairaient alors les hautes cimes de la forêt. À l’exception du novice et de Tom, tous dormaient.

Dick Sand s’approcha du vieux noir.

« Tom, lui dit-il à voix basse, vous avez reconnu le rugissement du lion, vous avez reconnu les engins du marchand d’esclaves, vous savez que nous sommes en Afrique !

— Oui, monsieur Dick, je le sais.

— Eh bien, Tom, pas un mot de tout cela, ni à mistress Weldon, ni à vos compagnons. Il faut que nous soyons seuls à savoir, seuls à craindre !…

— Seuls… en effet… Il le faut !… répondit Tom.

— Tom, reprit le novice, nous avons à veiller plus sévèrement que jamais. Nous sommes en pays ennemi, et quels ennemis ! quel pays ! Il suffira de dire à nos compagnons que nous avons été trahis par Harris, pour qu’ils se tiennent sur leurs gardes. Ils penseront que nous avons à redouter quelque attaque d’Indiens nomades, et cela suffira.

— Vous pouvez absolument compter sur leur courage et leur dévouement, monsieur Dick.

— Je le sais, comme je compte sur votre bon sens et votre expérience. Vous me viendrez en aide, mon vieux Tom ?

— En tout et partout, monsieur Dick. »

Le parti de Dick Sand était arrêté et fut approuvé du vieux noir. Si Harris s’était vu prendre en flagrante trahison, avant l’heure d’agir, du moins le jeune novice et ses compagnons n’étaient-ils pas sous le coup d’un danger immédiat. En effet, c’était la rencontre des fers abandonnés par quelques esclaves, c’était le rugissement inattendu du lion, qui avaient provoqué la disparition soudaine de l’Américain. Il s’était senti découvert, et il avait fui, probablement avant que la petite troupe qu’il guidait n’eût atteint l’endroit où elle devait être attaquée. Quant à Negoro, dont Dingo avait certainement reconnu la présence pendant ces derniers jours de marche, il devait avoir rejoint Harris, afin de se concerter avec lui. En tout cas, quelques heures s’écouleraient sans doute avant que Dick Sand et les siens ne fussent assaillis, et il fallait en profiter.

L’unique plan était de regagner la côte au plus vite. Cette côte, le jeune novice avait toutes raisons de le penser, devait être celle de l’Angola. Après l’avoir atteinte, Dick Sand chercherait à gagner, soit au nord, soit au sud, les