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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

s’était rompue, ce qui l’avait mis dans l’impossibilité de vérifier la vitesse du Pilgrim.

« Oui ! pensa-t-il, il ne restait plus qu’une boussole à bord, une seule dont je ne pouvais contrôler les indications !… Et, une nuit, j’ai été réveillé par un cri du vieux Tom !… Negoro était là, à l’arrière !… Il venait de tomber sur l’habitacle !… N’a-t-il pu déranger ?… »

La lumière se faisait dans l’esprit de Dick Sand. Il touchait la vérité du doigt. Il comprenait enfin tout ce qu’avait de louche la conduite de Negoro. Il voyait sa main dans cette série d’accidents qui avaient amené la perte du Pilgrim et si effroyablement compromis ceux qu’il portait.

Mais qu’était donc ce misérable ? Avait-il été marin, bien qu’il s’en fût toujours caché ? Était-il capable de combiner cette odieuse machination qui devait jeter le bâtiment à la côte d’Afrique ?

En tout cas, s’il existait encore des points obscurs dans le passé, le présent n’en pouvait plus offrir. Le jeune novice ne savait que trop qu’il était en Afrique, et très probablement dans cette funeste province de l’Angola, à plus de cent milles de la côte. Il savait aussi que la trahison d’Harris ne pouvait être mise en doute. De là, à conclure que l’Américain et le Portugais se connaissaient de longue date, qu’un hasard fatal les avait réunis sur ce littoral, qu’un plan avait été concerté entre eux, dont le résultat devait être funeste aux naufragés du Pilgrim, la plus simple logique y conduisait.

Et maintenant, pourquoi ces odieux agissements ? Que Negoro voulût, à la rigueur, s’emparer de Tom et de ses compagnons et les vendre comme esclaves dans ce pays de la traite, on pouvait l’admettre. Que le Portugais, mû par un sentiment de haine, cherchât à se venger de lui, Dick Sand, qui l’avait traité comme il le méritait, cela se concevait encore. Mais Mrs Weldon, mais cette mère, ce petit enfant, qu’en voulait donc faire le misérable !

Si Dick Sand eût pu surprendre quelque peu de la conversation tenue entre Harris et Negoro, il aurait su à quoi s’en tenir, et quels dangers menaçaient Mrs Weldon, les noirs et lui-même !

La situation était effroyable, mais le jeune novice ne faiblit pas. Capitaine à bord, il resterait capitaine à terre. À lui de sauver Mrs Weldon, le petit Jack, tous ceux dont le ciel avait remis le sort entre ses mains. Sa tâche ne faisait que commencer ! Il l’accomplirait jusqu’au bout !

Après deux ou trois heures, pendant lesquelles le présent et l’avenir résumèrent dans son esprit leurs bonnes et leurs mauvaises chances, —