Aller au contenu

Page:Verne - Un capitaine de quinze ans, Hetzel, 1878.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
213
EN MARCHE

— Ce cuisinier de malheur aura vite fait de lui envoyer une balle !… s’écria Hercule.

À moins que Dingo ne l’étrangle auparavant ! répliqua Bat.

— Peut-être ! répondit le jeune novice. Mais nous ne pouvons attendre le retour de Dingo. S’il est vivant, d’ailleurs, l’intelligent animal saura bien nous retrouver. En avant ! »

Le temps était très chaud. Dès l’aube, de gros nuages barraient l’horizon. Il y avait déjà menace d’orage dans l’air. Probablement, la journée ne finirait pas sans quelque coup de tonnerre. Heureusement, la forêt, bien que moins épaisse, maintenait un peu de fraîcheur à la surface du sol. Çà et là, de grandes futaies encadraient des prairies couvertes d’une herbe haute et drue. En de certains endroits, d’énormes troncs, déjà silicifiés, gisaient à terre, — indice de terrains houillers, tels qu’il s’en rencontre fréquemment sur le continent africain. Puis, dans les clairières, dont le tapis verdoyant se mélangeait de quelques brindilles roses, les fleurs variaient leurs couleurs, gingembres jaunes ou bleus, lobélies pâles, orchidées rouges, incessamment visitées par les insectes qui les fécondaient.

Les arbres ne formaient plus alors d’impénétrables massifs, mais leurs essences étaient plus variées. C’étaient des élaïs, sortes de palmiers donnant une huile recherchée en Afrique, des cotonniers, formant des buissons hauts de huit à dix pieds, dont les tiges ligneuses produisaient un coton à longues soies, presque analogue à celui de Fernambouc. Là, des copals laissaient suinter par des trous, dus à la trompe de certains insectes, une odorante résine qui coulait jusqu’au sol où elle s’emmagasinait pour les besoins des indigènes. Ici s’éparpillaient des citronniers, des grenadiers à l’état sauvage, et vingt autres plantes arborescentes, qui attestaient la prodigieuse fertilité de ce plateau de l’Afrique centrale. En maint endroit aussi, l’odorat était agréablement affecté par une fine odeur de vanille, sans que l’on pût découvrir quel arbrisseau l’exhalait.

Tout cet ensemble d’arbres et de plantes verdoyait, bien que l’on fût en pleine saison sèche, et que de rares orages dussent seuls arroser ces terrains si luxuriants. C’était donc l’époque des fièvres ; mais, ainsi que l’a fait observer Livingstone, on peut généralement s’en délivrer en fuyant l’endroit même où elles ont été contractées. Dick Sand connaissait cette remarque du grand voyageur, et il espérait que le petit Jack ne la démentirait pas. Il le dit à Mrs Weldon, après avoir constaté que l’accès périodique n’était pas revenu comme on devait le craindre, et que l’enfant reposait paisiblement dans les bras d’Hercule.