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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

« Le roi Loungga est le bienvenu au marché de Kazonndé ! disait le traitant.

— J’ai soif, répondait le monarque.

— Il aura sa part dans les affaires du grand lakoni, ajoutait Alvez.

À boire, répliquait Moini Loungga.

— Mon ami Negoro est heureux de revoir le roi de Kazonndé après une si longue absence.

À boire ! répétait l’ivrogne, dont toute la personne dégageait une révoltante odeur d’alcool.

— Eh bien, du pombé, de l’hydromel ! s’écria Antonio-José Alvez, en homme qui savait bien où Moini Loungga voulait en venir.

— Non !… non !… répondit le roi… L’eau-de-vie de mon ami Alvez, et je lui donnerai pour chaque goutte de son eau de feu…

— Une goutte de sang d’un blanc ! s’écria Negoro, après avoir fait à Alvez un signe que celui-ci comprit et approuva.

— Un blanc ! mettre un blanc à mort ! répliqua Moini Loungga, dont les féroces instincts se réveillèrent à la proposition du Portugais.

— Un agent d’Alvez a été tué par ce blanc, reprit Negoro.

— Oui… mon agent Harris, répondit le traitant, et il faut que sa mort soit vengée !

— Qu’on envoie ce blanc au roi Massongo, dans le Haut-Zaïre, chez les Assouas ! Ils le couperont en morceaux, ils le mangeront vivant ! Eux n’ont pas oublié le goût de la chair humaine ! » s’écria Moini Loungga.

C’était, en effet, le roi d’une tribu d’anthropophages, ce Massongo, et il n’est que trop vrai que, dans certaines provinces de l’Afrique centrale, le cannibalisme est encore ouvertement pratiqué. Livingstone l’avoue dans ses notes de voyage. Sur les bords du Loualâba, les Manyemas mangent non-seulement les hommes tués dans les guerres, mais ils achètent des esclaves pour les dévorer, disant « que la chair humaine est légèrement salée et n’exige que peu d’assaisonnement ! » Ces cannibales, Cameron les a retrouvés chez Moéné Bougga, où l’on ne se repaît des cadavres qu’après les avoir fait macérer pendant plusieurs jours dans une eau courante. Stanley a également rencontré chez les habitants de l’Oukousou ces coutumes d’anthropophagie, évidemment très répandues parmi les tribus du centre.

Mais, si cruel que fût le genre de mort proposé par le roi pour Dick Sand, il ne pouvait convenir à Negoro, qui ne se souciait pas de se déposséder de sa victime.

« C’est ici, dit-il, que le blanc a tué notre camarade Harris.