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UN ENTERREMENT ROYAL

de ses maux par une mort qui ne pouvait être plus terrible que sa vie, eût été une insigne folie. Il se préparait donc à mourir, s’en remettant à Dieu du surplus, et lui demandant le courage d’aller jusqu’au bout sans faiblesse. Mais c’est une bonne et noble pensée que celle de Dieu. Ce n’est pas en vain qu’on élève son âme jusqu’à Celui qui peut tout, et quand Dick Sand eut fait son sacrifice tout entier, il se trouva que si l’on eût été jusqu’au fond de son cœur, on y eût peut-être découvert une dernière lueur d’espérance, cette lueur qu’un souffle d’en haut peut changer, en dépit de toutes les probabilités, en lumière éclatante.

Les heures s’écoulèrent. La nuit vint. Les rayons du jour qui filtraient à travers le chaume du baracon s’effacèrent peu à peu. Les derniers bruits de la tchitoka, qui, pendant cette journée-là, avait été bien silencieuse, après l’effroyable brouhaha de la veille, ces derniers bruits s’éteignirent. L’ombre se fit, très profonde à l’intérieur de l’étroite prison. Bientôt tout reposa dans la ville de Kazonndé.

Dick Sand s’endormit d’un sommeil réparateur qui dura deux heures. Après quoi il se réveilla, encore raffermi. Il parvint à dégager de leurs liens un de ses bras, déjà un peu dégonflé, et ce fut comme un délice pour lui de pouvoir l’étendre et le détendre à volonté.

La nuit devait être à demi écoulée. L’havildar dormait d’un lourd sommeil dû à une bouteille d’eau-de-vie dont sa main crispée serrait encore le goulot. Le sauvage l’avait vidée jusqu’à la dernière goutte. Dick Sand eut alors l’idée de s’emparer des armes de son geôlier, qui pourraient lui être d’un grand secours en cas d’évasion ; mais il crut, en ce moment, entendre un léger grattement à la partie inférieure de la porte du baracon. S’aidant de son bras, il parvint à ramper jusqu’au seuil sans avoir réveillé l’havildar.

Dick Sand ne s’était pas trompé. Le grattement continuait à se produire, et d’une manière plus distincte. Il semblait que de l’extérieur on fouillât le sol au-dessous de la porte. Était-ce un animal ? était-ce un homme ?

« Hercule ! si c’était Hercule ! » se dit le jeune novice.

Ses yeux se fixèrent sur son gardien ; il était immobile et sous l’influence d’un sommeil de plomb. Dick Sand, approchant ses lèvres du seuil de la porte, crut pouvoir se risquer à murmurer le nom d’Hercule. Un gémissement, tel qu’eût été un aboiement sourd et plaintif, lui répondit.

« Ce n’est pas Hercule, se dit Sand, mais c’est Dingo ! Il m’a senti jusque dans ce baracon ! M’apporterait-il encore un mot d’Hercule ? Mais si Dingo n’est pas mort, Negoro a menti, et peut-être… »

En ce moment, une patte passa sous la porte. Dick Sand la saisit et reconnut