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PEUT CONDUIRE UNE MANTICORE

sens, laissant provisoirement à Negoro le soin de se poser en serviteur dévoué, qui avait pu échapper aux indigènes. Negoro prit la lettre, qui ne permettait pas à James Weldon d’hésiter à le suivre jusqu’à Mossamédès, et, le lendemain, escorté d’une vingtaine de noirs, il remontait vers le nord. Pourquoi prenait-il cette direction ? Negoro avait-il donc l’intention d’aller s’embarquer sur un des navires qui fréquentent les bouches du Congo et d’éviter par là les stations portugaises, ainsi que les pénitenciers dont il avait été l’hôte involontaire ? C’est probable. Ce fut, du moins, la raison qu’il donna à Alvez.

Après son départ, Mrs Weldon dut donc arranger son existence de manière à passer le moins mal possible le temps que durerait son séjour à Kazonndé. C’étaient trois ou quatre mois, en admettant les chances les plus favorables. L’aller et le retour de Negoro n’exigeaient pas moins.

L’intention de Mrs Weldon n’était point de quitter la factorerie. Son enfant, cousin Bénédict et elle s’y trouvaient relativement en sûreté. Les bons soins d’Halima adoucissaient un peu les rigueurs de cette séquestration. Il était d’ailleurs vraisemblable que le traitant ne lui aurait pas permis d’abandonner l’établissement. La grosse prime que devait lui procurer le rachat de la prisonnière valait bien la peine qu’on la gardât sévèrement. Il se trouvait même heureux qu’Alvez ne fût pas obligé de quitter Kazonndé pour visiter ses deux autres factoreries de Bihé et de Cassange. Coïmbra était allé le remplacer dans l’expédition de nouvelles razzias, et il n’y avait aucun motif pour regretter la présence de cet ivrogne.

Au surplus, Negoro, avant de partir, avait fait à Alvez les plus pressantes recommandations au sujet de Mrs Weldon. Il importait de la surveiller rigoureusement. On ne savait ce qu’était devenu Hercule. S’il n’avait pas péri dans cette redoutable province de Kazonndé, peut-être tenterait-il de se rapprocher de la prisonnière et de l’arracher aux mains d’Alvez. Le traitant avait parfaitement compris une situation qui se chiffrait par un bon nombre de dollars. Il répondait de Mrs Weldon comme de sa propre caisse.

La vie monotone de la prisonnière, pendant les premiers jours de son arrivée à la factorerie, se continua donc. Ce qui se passait dans cette enceinte reproduisait très exactement les divers actes de l’existence indigène au dehors. Alvez ne suivait pas d’autres usages que ceux des natifs de Kazonndé. Les femmes de l’établissement travaillaient comme elles l’eussent fait dans la ville pour le plus grand agrément de leurs époux ou de leurs maîtres. Le riz à préparer à