Page:Verne - Un capitaine de quinze ans, Hetzel, 1878.djvu/334

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
324
UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

éprouver, lorsqu’elle apprit, de la bouche même d’Alvez, que le docteur Livingstone venait de succomber dans un petit village du Bangouéolo. Il lui sembla qu’elle était plus isolée que jamais, qu’une sorte de lien qui la rattachait au voyageur, et avec lui au monde civilisé, venait de se rompre. La planche de salut fuyait sous sa main, la lueur d’espoir s’éteignait à ses yeux. Tom et ses compagnons avaient quitté Kazonndé pour la région des lacs. D’Hercule, pas la moindre nouvelle. Mrs Weldon ne pouvait décidément compter sur personne… il lui fallait donc en revenir à la proposition de Negoro, en essayant de l’amender et d’en assurer le résultat définitif.

Le 14 juin, au jour fixé par lui, Negoro se présentait à la hutte de Mrs Weldon.

Le Portugais fut, comme toujours, ainsi qu’il le disait, parfaitement pratique. Il n’eut rien à céder d’ailleurs sur l’importance de la rançon que sa prisonnière ne discuta même pas. Mais Mrs Weldon se montra très pratique aussi en lui disant :

« Si vous voulez faire une affaire, ne la rendez pas impossible par des conditions inacceptables. L’échange de notre liberté contre la somme que vous exigez peut s’obtenir sans que mon mari vienne dans un pays où vous voyez ce qu’on peut faire d’un blanc ! Or, à aucun prix je ne veux qu’il y vienne ! »

Après quelque hésitation, Negoro se rendit, et Mrs Weldon finit par obtenir que James Weldon ne s’aventurerait pas jusqu’à Kazonndé. Un navire le déposerait à Mossamédès, petit port de la côte au sud de l’Angola, ordinairement fréquenté par les négriers et très connu de Negoro. C’est là que le Portugais amènerait James W. Weldon, et, à une époque déterminée, les agents d’Alvez y conduiraient Mrs Weldon, Jack et le cousin Bénédict. La somme serait versée à ces agents contre la remise des prisonniers, et Negoro, qui aurait joué vis-à-vis de James Weldon le rôle d’un parfait honnête homme, disparaîtrait à l’arrivée du navire.

C’était un point très important qu’avait obtenu Mrs Weldon. Elle évitait à son mari les dangers d’un voyage à Kazonndé, les risques d’y être retenu, après avoir versé la rançon exigée, ou les périls du retour. Quant aux six cents milles qui séparaient Kazonndé de Mossamédès, à les faire dans les conditions où elle avait voyagé en quittant la Coanza, Mrs Weldon ne devait redouter qu’un peu de fatigue, et d’ailleurs, l’intérêt d’Alvez, — car il était dans l’affaire, — voulait que les prisonniers arrivassent sains et saufs.

Les choses ainsi convenues, Mrs Weldon écrivit à son mari dans ce