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un capitaine de quinze ans.

mganngas », qui ont le privilège de provoquer ou d’arrêter les pluies, furent priés de conjurer le péril. Ils y perdirent leur latin. Ils eurent beau entonner leur chant monotone, agiter leur double grelot et leurs clochettes, employer leurs plus précieuses amulettes, et plus particulièrement une corne, pleine de boue et d’écorces, dont la pointe se termine par trois petits cornillons, exorciser en lançant de petites boules de fiente ou en crachant à la face des plus augustes personnages de la cour, ils ne parvinrent point à chasser les mauvais esprits qui président à la formation des nuages.

Or, les choses allaient de mal en pis, lorsque la reine Moina eut la pensée de faire venir un célèbre mgannga qui se trouvait alors dans le nord de l’Angola. C’était un magicien de premier ordre, dont le savoir était d’autant plus merveilleux qu’on ne l’avait jamais mis à l’épreuve dans cette contrée où il n’était jamais venu. Mais il n’était question que de ses succès à l’endroit des masikas.

Ce fut le 25 juin, dans la matinée, que le nouveau mgannga annonça bruyamment son arrivée à Kazonndé avec de grands tintements de clochettes.

Ce sorcier vint tout droit à la tchitoka, et aussitôt la foule des indigènes de se précipiter vers lui. Le ciel était un peu moins pluvieux, le vent indiquait une tendance à changer, et ces symptômes de rassérènement, coïncidant avec l’arrivée du mgannga, prédisposaient les esprits en sa faveur.

C’était d’ailleurs un homme superbe, un noir de la plus belle eau. Il mesurait au moins six pieds et devait être extraordinairement vigoureux. Cette prestance imposa déjà à la foule.

Ordinairement, les sorciers se réunissent à trois, quatre ou cinq, lorsqu’ils parcourent les villages, et un certain nombre d’acolytes ou de compères leur font cortège. Ce mgannga était seul. Toute sa poitrine était zébrée de bigarrures blanches, faites à la terre de pipe. La partie inférieure de son corps disparaissait sous un ample jupon d’étoffe d’herbe, dont la « traîne » n’eût pas déparé une élégante moderne. Un collier de crânes d’oiseaux au cou, sur la tête une sorte de casque de cuir à plumets ornés de perles, autour des reins une ceinture de cuivre à laquelle pendaient quelques centaines de clochettes, plus bruyantes que le sonore harnachement d’une mule espagnole, ainsi était vêtu ce magnifique échantillon de la corporation des devins indigènes.

Tout le matériel de son art se composait d’une sorte de panier dont une calebasse formait le fond, et que remplissaient des coquilles, des amulettes, de