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PRÉPARATIF

les matelots, chaussés de bottes à crampons, s’installeraient sur le dos de l’énorme cétacé et le dépèceraient méthodiquement par bandes parallèles, dirigées de la tête à la queue. Ces bandes seraient ensuite découpées en tranches d’un pied et demi, puis divisées en morceaux, lesquels, après avoir été arrimés dans les barils, seraient envoyés à fond de cale.

Le plus habituellement, le navire baleinier, lorsque la pêche est finie, manœuvre de manière à atterrir aussitôt que possible, afin de terminer ses manipulations. L’équipage descend à terre, et c’est là qu’il procède à la fusion du lard, qui, sous l’action de la chaleur, livre toute sa partie utilisable, c’est-à-dire l’huile[1].

Mais, dans les circonstances actuelles, le capitaine Hull ne pouvait songer à revenir en arrière, pour achever cette opération. Il ne comptait « fondre » ce complément de lard qu’à Valparaiso. D’ailleurs, avec ces vents qui ne pouvaient tarder à haler l’ouest, il espérait avoir connaissance de la côte américaine avant une vingtaine de jours, et ce laps de temps ne pouvait compromettre les résultats de sa pêche.

Le moment était venu de partir. Avant que le Pilgrim eût été mis en panne, il s’était un peu rapproché de l’endroit où la jubarte continuait à signaler sa présence par des jets de vapeur et d’eau.

La jubarte nageait toujours, au milieu du vaste champ rouge de crustacés, ouvrant automatiquement sa large bouche et absorbant à chaque gorgée des myriades d’animalcules.

Au dire des connaisseurs du bord, il n’y avait nulle crainte qu’elle songeât à s’échapper. C’était, à n’en pas douter, ce que les pêcheurs appellent une baleine « de combat ».

Le capitaine Hull enjamba les bastingages, et, descendant l’échelle de corde, il atteignit l’avant de la baleinière.

Mrs Weldon, Jack, cousin Bénédict, Tom et ses compagnons souhaitèrent une dernière fois bonne chance au capitaine.

Dingo lui-même, se dressant sur ses pattes et passant la tête au-dessus de la lisse, sembla vouloir dire adieu à l’équipage.

Puis, tous revinrent à l’avant, afin de ne rien perdre des péripéties si attachantes d’une pareille pêche.

La baleinière déborda, et, sous l’impulsion de ses quatre avirons, vigoureusement maniés, elle commença à s’éloigner du Pilgrim.

  1. Dans cette opération, le lard de la baleine perd environ un tiers de son poids.