Page:Verne - Un capitaine de quinze ans, Hetzel, 1878.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
68
UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

La poursuite, ou plutôt le remorquage, avait commencé. La baleinière, dont les avirons avaient été relevés, filait comme une flèche en roulant sur le dos des lames.

Howik la maintenait imperturbablement, malgré ses rapides et effrayantes oscillations.

Le capitaine Hull, l’oeil sur sa proie, ne cessait de faire entendre son éternel refrain :

« Veille bien, Howik, veille bien ! »

Et l’on pouvait être assuré que la vigilance du maître d’équipage ne serait pas mise un instant en défaut.

Cependant, comme la baleinière ne fuyait pas à beaucoup près aussi vite que la baleine, la ligne du harpon se déroulait avec une telle vitesse, qu’il était à craindre qu’elle ne prît feu, en se frottant au bordage de la baleinière. Aussi, le capitaine Hull avait-il soin de la tenir mouillée, en remplissant d’eau la baille au fond de laquelle elle était lovée.

Toutefois, la jubarte ne semblait pas devoir s’arrêter dans sa fuite, ni vouloir la modérer. La seconde ligne fut donc amarrée au bout de la première, et elle ne tarda pas à être entraînée avec la même vitesse.

Au bout de cinq minutes, il fallut rabouter la troisième ligne, qui s’engagea sous les eaux.

La jubarte ne s’arrêtait pas. Le harpon n’avait évidemment pas pénétré dans quelque partie vitale de son corps. On pouvait même observer, à l’obliquité plus accusée de la ligne, que l’animal, au lieu de revenir à la surface, s’enfonçait dans des couches plus profondes.

« Diable ! s’écria le capitaine Hull, mais cette coquine-là nous mangera nos cinq lignes !

— Et nous entraînera à bonne distance du Pilgrim ! répondit le maître d’équipage.

— Il faudra bien, pourtant, qu’elle revienne respirer à la surface ! répondit le capitaine Hull. Ce n’est pas un poisson, et il lui faut sa provision d’air comme à un simple particulier !

— Elle aura retenu sa respiration pour mieux courir ! » dit en riant un des matelots.

En effet, la ligne se déroulait toujours avec une égale vitesse.

À la troisième ligne, il fut bientôt nécessaire de joindre la quatrième, et cela ne se fit pas sans inquiéter quelque peu les matelots touchant leur future part de prise.