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un drame en livonie.

La conversation du docteur, du consul et d’Ilka continua une demi-heure encore, et la jeune fille se montrait très inquiète du retard de son père, lorsque celui-ci parut à la porte de la salle.

Bien qu’il n’eût que quarante-sept ans, Dimitri Nicolef paraissait de dix ans plus âgé. De taille au-dessus de la moyenne, la barbe grisonnante, la physionomie assez dure, le front traversé de rides, comme de sillons d’où il ne peut germer que des idées tristes et des soucis poignants, d’une constitution vigoureuse, en somme, tel il se présentait.

Mais, de sa jeunesse, il avait conservé un regard puissant, une voix pleine et mordante, — cette voix, a dit Jean-Jacques, qui sonne au cœur.

Dimitri Nicolef se débarrassa de son manteau traversé de pluie, déposa son chapeau sur un fauteuil, alla vers sa fille, qu’il baisa au front, et serra la main de ses deux amis.

« Tu es en retard, père… lui dit Ilka.

— J’ai été retenu, répondit Dimitri. Une leçon qui s’est prolongée…

— Eh bien, prenons le thé…, ajouta la jeune fille.

À moins que tu ne sois trop fatigué, Dimitri, observa le docteur Hamine. Il ne faut point te gêner… Je ne suis pas content de ta mine… Tu dois avoir besoin de repos…

— Oui, répondit Nicolef, mais ce n’est rien… La nuit me remettra… Prenons le thé, mes amis… Je ne vous ai déjà fait que trop attendre, et, si vous le permettez, je me coucherai de bonne heure…

— Qu’as-tu, père ?… demanda Ilka, en regardant Dimitri les yeux dans les yeux.

— Rien, chère enfant, rien, te dis-je. Si tu t’inquiètes davantage, Hamine finira par me découvrir quelque maladie imaginaire, ne fût-ce que pour se donner la satisfaction de me guérir !