— Ce sont celles-là dont on ne guérit pas !… répondit le docteur en secouant la tête.
— Vous n’avez rien appris de nouveau, monsieur Nicolef ?… demanda le consul.
— Rien… si ce n’est que le gouverneur général Gorko, qui était à Pétersbourg, vient de revenir à Riga.
— Bon ! s’écria le docteur, je doute fort que ce retour fasse plaisir aux Johausen, qu’on ne doit pas voir d’un très bon œil là-bas. »
Le front de Dimitri Nicolef se plissa plus vivement. Ce nom ne lui rappelait-il pas la fatale échéance qui le mettait à la merci du banquier allemand ?
Le thé étant prêt, Ilka remplit les tasses, — un thé de bonne qualité, bien qu’il ne coûtât pas jusqu’à cent soixante francs la livre comme celui des riches. Il en est à tout prix, heureusement, car c’est la boisson usuelle, la boisson moscovite par excellence, et dont on fait usage même chez les pauvres gens.
Ces tasses de thé furent accompagnées de petits pains au beurre que la jeune ménagère confectionnait elle-même, et, pendant une demi-heure, l’entretien se prolongea entre les trois amis.
Il porta sur l’état des esprits à Riga, le même, d’ailleurs, qui régnait dans les principales villes des provinces Baltiques. Cette lutte des deux éléments germanique et slave passionnait les plus indifférents.
Avec l’accentuation des énergies politiques, on pouvait prévoir que la bataille serait chaude, surtout à Riga, où les races étaient plus directement en contact.
Dimitri, visiblement préoccupé, prenait à peine part à la conversation, bien que sa personnalité fût souvent mise en cause. Sa pensée était « ailleurs », comme on dit… Où ?… lui seul eût pu l’apprendre. Mais, quand il était mis en demeure de répondre, il