ton dégagé du capitaine Nemo, est-ce que vous avez peur des requins, brave Ned ?
— Moi, répondit le Canadien, un harponneur de profession ! C’est mon métier de me moquer d’eux !
— Il ne s’agit pas, dis-je, de les pêcher avec un émerillon, de les hisser sur le pont d’un navire, de leur couper la queue à coups de hache, de leur ouvrir le ventre, de leur arracher le cœur et de le jeter à la mer !
— Alors, il s’agit de… ?
— Oui, précisément.
— Dans l’eau ?
— Dans l’eau.
— Ma foi, avec un bon harpon ! Vous savez, monsieur, ces requins, ce sont des bêtes assez mal façonnées. Il faut qu’elles se retournent sur le ventre pour vous happer, et, pendant ce temps… »
Ned Land avait une manière de prononcer le mot « happer » qui donnait froid dans le dos.
« Eh bien, et toi, Conseil, que penses-tu de ces squales ?
— Moi, dit Conseil, je serai franc avec monsieur.
— À la bonne heure, pensai-je.
— Si monsieur affronte les requins, dit Conseil, je ne vois pas pourquoi son fidèle domestique ne les affronterait pas avec lui ! »
CHAPITRE III
UNE PERLE DE DIX MILLIONS.
La nuit arriva. Je me couchai. Je dormis assez mal. Les squales jouèrent un rôle important dans mes rêves, et je trouvai très-juste et très-injuste à la fois cette étymologie qui fait venir le mot requin du mot « requiem. »
Le lendemain, à quatre heures du matin, je fus réveillé par le stewart que le capitaine Nemo avait spécialement mis à mon service. Je me levai rapidement, je m’habillai et je passai dans le salon.
Le capitaine Nemo m’y attendait.
« Monsieur Aronnax, me dit-il, êtes-vous prêt à partir ?
— Je suis prêt.
— Veuillez me suivre.
— Et mes compagnons, capitaine ?