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LES ANGLAIS AU POLE NORD

— Je suppose que, quand M. Bellot sortit de la cachette, le vent l’emporta dans la crevasse, et, son paletot étant boutonné, il ne put nager pour revenir à la surface ! Oh ! monsieur Clawbonny, j’éprouvai là le plus grand chagrin de ma vie ! je ne voulais pas le croire ! Ce brave officier, victime de son dévouement ! car sachez que c’est pour obéir aux instructions du capitaine Pullen qu’il a voulu rejoindre la terre avant cette débâcle ! Brave jeune homme, aimé de tout le monde à bord, serviable, courageux ! il a été pleuré de toute l’Angleterre, et il n’est pas jusqu’aux Esquimaux eux-mêmes qui, apprenant du capitaine Inglefield, à son retour à la baie de Pound, la mort du bon lieutenant, ne s’écrièrent en pleurant comme je le fais ici : Pauvre Bellot ! Pauvre Bellot !

— Mais votre compagnon, et vous, Johnson, demanda le docteur, attendri par cette narration touchante, comment parvîntes-vous à regagner la terre ?

— Nous, monsieur, c’était peu de chose ; nous restâmes encore vingt-quatre heures sur le glaçon, sans aliments et sans feu ; mais nous finîmes par rencontrer un champ de glace échoué sur un bas-fond ; nous y sautâmes, et, à l’aide d’un aviron qui nous restait, nous accrochâmes un glaçon capable de nous porter et d’être manœuvré comme un radeau. C’est ainsi que nous avons gagné le rivage, mais seuls, et sans notre brave officier ! »

À la fin de ce récit, le Forward avait dépassé cette côte funeste, et Johnson perdit de vue le lieu de cette terrible catastrophe. Le lendemain, on laissait la baie Griffin sur tribord, et, deux jours après, les caps Grinnel et Helpmann ; enfin, le 14 juillet, on doubla la pointe Osborn, et, le 15, le brick mouilla dans la baie Baring, à l’extrémité du canal. La navigation n’avait pas été très-difficile ; Hatteras rencontra une mer presque aussi libre que celle dont Belcher