Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
213
LES ANGLAIS AU POLE NORD

« Voyons, Bell, reprit le docteur, la bouche, le nez, les yeux pleins de neige, êtes-vous fou ? Qu’y a-t-il donc ?

— Il y a, répondit Bell, que si vous possédez encore un nez, c’est à moi que vous le devez.

— Un nez ! répliqua le docteur en portant la main à son visage.

— Oui, monsieur Clawbonny, vous étiez complètement frost-bitten ; votre nez était tout blanc, quand je vous ai regardé, et sans mon traitement énergique vous seriez privé de cet ornement, incommode en voyage, mais nécessaire dans l’existence. »

En effet, un peu plus, le docteur avait le nez gelé ; la circulation du sang s’étant heureusement refaite à propos, grâce aux vigoureuses frictions de Bell, tout danger disparut.

« Merci ! Bell, dit le docteur, et à charge de revanche.

— J’y compte, monsieur Clawbonny, répondit le charpentier ; et plût au ciel que nous n’eussions jamais de plus grands malheurs à redouter !

— Hélas ! Bell, reprit le docteur, vous faites allusion à Simpson ! Le pauvre garçon est en proie à de terribles souffrances !

— Craignez-vous pour lui ? demanda vivement Hatteras

— Oui, capitaine, reprit le docteur.

— Et que craignez-vous ?

— Une violente attaque de scorbut. Ses jambes enflent déjà, et ses gencives se prennent ; le malheureux est là, couché sous les couvertures du traîneau, à demi gelé, et les chocs ravivent à chaque instant ses douleurs. Je le plains, Hatteras, et je ne puis rien pour le soulager !

— Pauvre Simpson ! murmura Bell.

— Peut-être faudrait-il nous arrêter un jour ou deux, reprit le docteur.

— S’arrêter ! s’écria Hatteras, quand la vie de dix-huit hommes tient à notre retour !