— C’est la rançon, ma fille. Mais la vie n’a un sens qu’autant qu’on la veut honorable et digne.
— Il y a d’autres moyens de lui assurer de l’honneur et de la dignité.
Le général eut un haussement d’épaules, sans pourtant se départir de son sourire :
— Tu raisonnes en femme, ma fille, dit-il, gaiement. D’ailleurs je te comprends. Vous autres ne voyez dans la guerre qu’une menace ; vous n’en pouvez comprendre l’héroïque beauté.
Jeanne ne répondit pas. Elle connaissait les raisonnements de son père.
— D’ailleurs, fit Maurice pour dire quelque chose, il ne faut pas s’alarmer outre mesure. La guerre n’est pas déclarée.
— Oh ! elle le sera, dit le général.
— Vous croyez ?
– C’est certain. Ce n’est plus qu’une question de jours, d’heures peut-être…
— Mais qui vous fait supposer cela, Général ?
— Tout ce que j’ai pu apprendre dans les milieux militaires. Les officiers supérieurs sont très bien informés.
— Mieux que nous, alors, interrompit Maurice, car on ne nous dit pas grand chose, à nous.
— Mon gendre, n’en soyez pas surpris. Une guerre ne se prépare pas au grand jour, vous le comprenez. Il y a des détails très importants qu’il faut nécessairement tenir secrets. Mais soyez certain que le gouvernement n’agit pas à la légère. Tout est parfaitement ordonné et prévu.
Maître de lui à l’ordinaire, Maurice se sentait gagné par la colère.
— Je ne suppose pas, dit-il, que notre gouvernement se déclarera pour la guerre. Il sait bien que le pays n’en veut pas. La majorité de la nouvelle