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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Tous attendaient, inquiets et curieux à la fois.

— Eh bien, voilà, dit enfin Louise, je viens d’être à demi assommée, rue des Poissonniers.

— Que dis-tu, s’écria Léon, impressionné.

— La vérité. Mais ne vous alarmez pas, puisque je suis là.

Un peu calmée, à présent, la femme de Léon commença le récit qu’on attendait.

« Ainsi que je le prévoyais, dit-elle, j’ai pu trouver mon frère chez sa belle-mère, rue Ordener. J’ai passé l’après-midi avec eux, et je viens de les quitter. En arrivant à l’angle de la rue des Poissonniers j’eus l’idée de descendre cette rue pour regagner le Boulevard Barbès. Vous connaissez ce quartier. Il est très populeux. Des groupes d’hommes et de femmes montaient et descendaient la rue, quelques-uns très animés et surexcités. Un moment je croisai l’un de ces groupes qui me parut plus excité encore. Il y avait là trois hommes et deux femmes. Ils avaient la gaieté des gens qui ont bu. Les hommes tenaient les femmes par la taille, et chantaient : « Pleure pas pour ça, ma p’tite Ninette »…

« J’avais le cœur serré ; je vous l’avoue. C’était tellement navrant, cette inconscience.

« Alors je vis un grand vieillard, debout sur le seuil d’une porte, qui regardait comme moi ce groupe si tristement gai. Sa barbe blanche tremblait. Son regard croisa le mien et comprit ma pensée.

« — Quelle misère, me dit-il.

« — De les voir partir comme ça, oui, m’écriais-je.

« Une des femmes m’entendit, se retourna vers moi, et me cria d’une voix rauque de faubourienne : « De quoi, t’aimerais mieux qu’ils s’en aillent en pleurant, peut-être ? »

« Je ne voulais pas répondre ; mais en un éclair les cinq individus m’entourèrent. L’un des hommes demanda : « Qu’est-ce qu’elle a dit celle-là ? un autre