Page:Verrier - Essai sur les principes de la métrique anglaise, 2e partie, 1909.djvu/212

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202 rsTiiETiQLi: nu inruME

Adroit écrivain, Cvncwulf se montre assez mauvais rimciir. Par contre, on estimera sans doute que l'auteur du Poème Rimé (vers le commence- ment du x" siècle) rime avec trop de richesse et d'habilctô. En voici une strophe — car le texte original se divise en strophes rimécs :

Flrdi niilh (lited, (lïin niân hwîted, borgsorg bited, bald ald ^wîted, wrtcc Sicc Avi'îted, wrâd âd smîted, syngryn sided, searofearo glïded (i).

Peu après, en io3G, la Chronique anglo-saxonne présente un passage rimé ; un autre encore en 1086. En dehors de ces tentatives, la rime n'est pas un élément de la versification anglo-saxonne. C'est en nioven anglais seulement qu'elle s'établit définitivement en Angleterre, sous l'influence de la poésie française.

î; 197. Le développement graduel de la rime dans la poésie anglo-saxonne semble au premier abord spontané, autonome, indépendant. Il ne faut pourtant pas se fier à cette impression.

On peut se demander, en premier lieu, si ce développement a été aussi graduel qu'il le paraît. Dans la poésie ancienne et en général dans la poé- sie laïque (2), la rime est en réalité très rare entre hémistiches et entre vers, en particulier la rime léonine ou finale, celle dont nous avons sur- tout à nous préoccuper. Dans Bëoivnlf, il y en a seize exactes et trente-deux ne portant que sur la syllabe accentuée (v. p. 201, note 2) (3). La plupart du temps elle a pu être amenée involontairement par la recherche du parallélisme et par l'association toute naturelle des mots rimant dans des locutions toutes faites ; les deux dernières citations de Bëoivulf Çwëold : /u'old, Jiealdan : ^veahhni) en fournissent un exemple. La rime v est tout aussi involontaire que chez Homère et Virgile (v. 5; 186). Dans les autres cas elle peut être, je ne dirai pas fortuite, mais aussi peu consciente que l'allitération chez Corneille (v. p. 191, note 6). Quand elle apparaît sous forme suivie et par conséquent voulue, elle semble trahir l'imitation d'un modèle étranger, aussi bien par la maladresse de l'auteur, comme dans Elene, que par sa virtuosité tout exceptionnelle, comme dans le Poème Rimé. Cette imitation a pu être assez fréquente dans la poésie Ivrique, dont il nous reste si peu de chose (4), et les nombreuses rimes des derniers poèmes narratifs, surtout chez Lavamon, en sont comme un écho (5).

(i) V. Grein, Bibl., 2^ éd., III, i56 et suiv.

(3) Je veux dire composée sur des sujets profanes ou par des Anglais ignorant le latin.

(3) V. Kluge, l. c. — Le Bêowulf conl'icnl 3i84 vers.

(i) Les fragments rimes de la Chronique, espnces de cantilènes populaires, on sont peut-être des échantillons, même si nous devons les attribuer à des moines.

(5) Il n'y a pas de doute que la rime n'ait été voulue quand elle apparaît dans une suite de vers (^Crist, Elene, etc ) ou qu'elle est répétée, comme dans ce vers : wrenccd hë ond blonced, Avorn gc^cnced (^Mod. 33). — Layamon a été aussi amené à employer la rime par imitation du texte français qu'il traduisait; mais son vers difTère de l'octosyllabe de Wace, et il rime fort mal; sa versification est bien anglaise, même au point de vue des rimes.