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CHAPITRE II LA MESURE VISUELLE DE LESPAGE

§ iG. La perception, la notion de l'espace a pour base première le tou- cher et s'acquiert par le mouvement (i). Mais c'est la vue qui, en s'instrui- sant au moyen des sensations tactiles et cinétiques, arrive de très bonne heure à «jouer dans notre perception de l'espace un rôle tout à fait pré-

(i) La notion de l'espace, c'est la constatation empirique de la possibilité et de la nécessilé ((u'il y a pour moi de me mouvoir plus ou moins aCn de toucher les objets dont je perçois ou imagine la présence, à commencer par les diverses parties de mon corps. L'espace est indéfini, parce qu'il n'y a pas de limite concevable à cette possibilité et à cette nécessité. Le nombre des directions que peuvent adopter mes mouvements est en apparence infini, comme celui des rayons d'une sphère. En réalité, à cause même de la configuration do mon corps, mes mouvements ne peuvent se diriger qu'en avant ou en arrière, à droite ou à gauche, en haut ou en bas, c'est-ii- dirc conformément aux trois dimensions que je reconnais par suite à l'espace. Cet espace à trois dimensions est donc tout simplement abstrait de mon expérience. Les canaux semi-circulaires de l'oreille ne peuvent servir qu'à nous renseigner sur la position do notre corps dans l'espace et à guider nos mouvements par rapport aux trois dimensions, sans doute aussi à les coordonner cl même à les régler, mais uniquement au point de vue de la direction ; ainsi ils empêchent proba- blement l'énergie accumulée dans les centres moteurs de provoqu' r dos mouAoments dans les directions oîi nous n'avons que faire pour l'instant. A tous ces égar js ils peuvent être suppléés par le toucher et la vue, comme on l'observe, non seulement chez les animaux auxquels on les a enlevés, mais encore chez les sourds-muets, chez lesquels ils ne fonctionnent pas. Malgré celte infirmité, les sourds-muets de naissance ont la notion de l'espace. Ils ne la doivent donc pas aux canaux semi-circulaires, ni eux, ni par conséquent les autres hommes. Les sourds-muets qui voient se dirigent mieux à tous égards, malgré la paralysie de leurs canaux semi-circulaires, que les aveugles dont les canaux fonctionnent parfaitement. J'en connais qui sont d'excellents cyclistes. L'Américaine Helen Relier a perdu à dix-neuf mois l'ouïe et la vue ; la Norvégienne Hagnhild Kotaeje (;st privée de ces deux sens, aussi bien que de l'odorat et du goùl : elles n'en ont pas moins la notion de l'espace. Ln jour. M"" Kotaeje demanda à un philosophe de mes amis quel était son pays, et comme il répondait « l'Islande )>, elle étendit le bras vers le nord- ouest, pour indiquer la direction et la distance. M"*^ Keller est assez forte en géométrie (v. IIo- len Kr-Uer, The Slory of my Life, New-York, igoS). Enfin, les doux canaux antérieurs ne sont pas parallèles, non plus que les deux canaux postérieurs : comment corrigerions-nous ces diver- gences, dans « le svstème idéal de trois coordonnées perpendiculaires sur lequel nous projetons nos sensations », si nous ne fondions notre notion de l'espace que sur les indications des canaux semi-circulaires ? Colles-ci nous sont à coup si'tr extrêmement précieuses, comme le prouvent on particulier les expériences de ^L de Cyon. Il me semble pourtant diffîcile, pour les raisons qu<!