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5^ LA PERCEPTION DU RYTHME

raison (i). Si donc nous voulons comparer entre elles deux sensations ou les erreurs qu'elles comportent, nous ne devons pas prendre comme base de comparaison la dilï'érence des excitations, mais leur rapport. Ainsi, dans l'évaluation des poids à l'aide de la sensation dynamique, une erreur de 5 grammes sur un kilogramme (i ooo -|- 5) équivaut aune erreur de lo grammes sur 2 kilogrammes (2 000 + 10). Dans l'évaluation à l'œil d'une distance, une erreur de 5 centimètres sur 3 mètres (3oo -f- 5) équivaut à une erreur de 10 centimètres sur 6 mètres (600-}- 10). Pour mieux le comprendre, nous n'avons qu'à songer aux cartes géographiques : suivant l'échelle, une erreur d'un millimètre correspond dans la réalité à une erreur d'un kilomètre ou de vingt. C'est d'ailleurs un principe en calcul de n'es- timer l'erreur qu'en fonction de l'unité adoptée, non pas d'après sa valeur absolue : on dit, par exemple, que le résultat d'une opération est exact à un dixième près, à un centième près, etc. ; dans une somme de kilomètres on néglige les mètres, et dans une somme de mètres les milli- mètres, etc.

§ 62. La quantité d'énergie dépensée est proportionnelle à l'intensité, à la rapidité et à la durée du travail organique. A rapidité et à intensité égales, deux sensations auditives comportent donc aussi une sensation dynamique égale si elles ont une durée égale, mais dilTérente au cas contraire (2). Grâce à la finesse, h la précision du sens dynamique, nous pouvons arriver apercevoir exactement, dans ces deux sensations, non seulement l'égalité de durée, si elle existe, mais même, au cas contraire, le rapport de leurs durées respectives, que ce soit 1/2, i/3, 2/3, etc. D'autre part, une unité rvthmique a pour durée la durée totale des sensations auditives qu'elle contient. Est-ce donc à l'aide du sens dynamique de l'audition que nous mesurons les unités rythmiques, pour en percevoir ou en réaliser l'isochro- nisme ?

§ 53. En ce cas, ce serait là une mesure bien subjective, souvent en con- tradiction flagrante avec les durées objectives: deux sons auraient pour nous la même durée quand le premier serait en réalité deux fois plus bref mais en même temps deux fois plus intense que le second(2). Les erreurs seraient précisément l'inverse de celles que nous commettrions en adoptant pour mesure les modifications des cellules nerveuses : plus les sons com- pris entre deux temps marqués seraient intenses, plus l'intervalle réel de- vrait être abrégé pour que nous conservions la sensation de l'égalité de

(i) En d'autres termes, les intervalles musicaux, qui représentent pour nous des difTércnces, correspondent dans la réalité à des rapports, l'intervalle d'un ton majeur, par exemple, au rap- port g/8. On peut donc exprimer cette correspondance en disant que la sensation croît ou décroît suivant une progression arithmétique (par difFérences) pendant que l'excitation croît ou décroît suivant une progression géométrique (par rapports): le rapport de la sensation à l'excitation est un rapport logarithmique. C'est là ce qu'on appelle en physiopsychologie la loi de \^ eber. Il semble, en principe, qu'elle doive s'appliquer à toutes nos sensations. Cependant, le rapport peut quelquefois être plus simple, soit géométrique, soit arilhmétiqiie (loi de INIerkel, ctc). — La loi de Weber ne vise proprement que l'intensité des sensations, en particulier celle des sen- sations auditives (v. Wundt, Phys. Psych., I, p. ^qS-S^S, II, p. 78 et suiv.).

(2) Je ne parle pas de la liauleur ni du timbre, qui sont aussi des facteurs de l'intensité.