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LE RYTH-ME UTILITAIRE "3

d'un même mouvement, les erreurs se corrigent, et le tâtonnement dispa- raît — on prend le pli, on acquiert le tour de main. Et alors, le maximum de justesse une fois atteint et fixé par l'habitude, le mouvement se répète automatiquement avec la plus grande précision, avec la précision d'un mouvement d'horlogerie bien réglé. Aussi cherchons-nous toujours, par un apprentissage plus ou moins long, à mettre un rythme dans tous nos mou- vements. Il en est ainsi pour la marche, comme je l'ai expliqué plus haut (!^ 28 et 37). Mais ce n'est pas là, dans la vie de l'homme ou de l'animal, le premier cas de l'emploi du rythme moteur. Le nouveau-né y a presque tout de suite recours : il apprend bien vite à teter et à crier en mesure.

Chacun de nous adopte donc un rythme dans toute espèce de travail — pour marcher, pour parler, pour écrire, même pour soulever des poids et en estimer la pesanteur — un rythme particulier et individuel, déterminé par le tempérament, le pouls de l'attention, la vitesse de la circulation sanguine (i), la souplesse et la résistance des muscles et des nerfs, l'inner- vation, la vigueur, 1 intelligence, linlluence du milieu, les circonstances extérieures, l'habitude. Nous pouvons nous adapter plusou moins facilement ii un rvthme différent du nôtre, qu'il nous soit indiqué par un instrument de musique ou imposé par la marche d'une machine ; mais s'il est par trop différent, beaucoup plus rapide ou plus lent, il irrite et produit ii la longue l'épuisement, des troubles nerveux et circulatoires (2). Avec notre rvthme personnel, le travail est agréable et de meilleure qualité. Quand le rythme est imposé, la quantité du travail augmente avec le tempo, mais la qualité diminue presque toujours. En règle générale, le travail rythmé, même avec un rythme imposé, se fait plus vite et donne sur le coup une moindre im- pression de latiguc — il va sans dire que la fatigue finale est proportion- nelle au travail fourni. Le travail se fait mieux avec rvthme que sans rythme: ainsi, on apprécie plus exactement la différence des poids — même entre ^90 grammes et '492 grammes — quand on les soupèse au tic tac d'un métronome que sans métronome. Il n'est pourtant mieux fait que lorsqu'il exige seulement la répétition de mouvements identiques ou au moins sem- blables. C'est là, d'ailleurs, le cas le plus fréquent (3).

§ 78. Dans presque tout rythme moteur, il y a deux actes qui corres- pondent à la partie forte et à la partie faible de la mesure musicale ou du pied : on élève un membre et on l'abaisse, on pousse et on ramène, on tire et on lâche, on contracte les muscles etonles détend. Lecommencement ou

(1) Je ne veux pas dire que ce rythme normal de l'Individu se règle exactement sur le rythme du cœur; c'est impossible pour le pas vocal, aussi bien dans la conversation ordinaire que dans la diction des vers (v. p. ^5, note i, et III" Partie, § 10- et note). Le rythme du travail s'accé- lère ou se ralentit d'ordinaire en même temps que celui du cœur : cela peut tenir aux variations de la nutrition sanguine, mais aussi à ce que les deux rythmes sont influencés par une même ac- tion, d'origine centrale.

(a) L'étude du rytiime du travail offre donc un intérêt social : ce n'est pas sans inconvénients graves qu'on impose dans certaines usines un mémo rvthme à tous les ouvriers, hommes, femmes et enfants.

(3) V. l'article de ^ï. Féré dans l'Année psYcholoyique, Vlli, 1901. p. ^9 et suiv. . et surtout ceux de M"-^ Smith et de M. AwramoCr dans PhUus. Ulud., XVI et WIIl.