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§2 ESTHÉTIQUE DU KITIIME

bras, parfois ceux des jambes (i). Elle ne peut évidemment porter que sur l'intensité et la rapidité de l'activité organique, c'est-à-dire, en prenant le le mot dans un sens large, sur son rytbme. Puisqu'elles représentent deux faces d'un même phénomène, l'émotion et l'activité organique ont naturel- lement une intensité et une rapidité proportionnelles. Le rythme de celle- ci correspond au rythme de celle-là. Au fur et à mesure qu'augmente l'émotion, l'intensité de son expression physiologique s'accroît dans les mêmes proportions. Mais une fois que l'excitation nerveuse des muscles a atteint son maximum, elle est remplacée par une dépression active, qui diminue l'activité organique et finit même parla paralyser tout à fait. « Les- orandes douleurs sont muettes», les grandes joies également. Elles déten- dent les muscles, elles stupéfient, tout comme l'épouvante : ne dit-on pas que la « joie fait peur »? On se pâme de joie aussi bien que de douleur, on peut en mourir. Toutes les émotions aiguës agissent de même, et elles se ressemblent ainsi par leur manifestation extérieure (2). Moins aiguës, au contraire, elles se distinguent très nettement. Le rythme de l'activité orga- nique peut déjà en exprimer par ses nuances diverses qualités. Le plaisir renforce mais ralentit le battement du cœur ; la souffrance l'affaiblit, mais l'accélère. C'est l'expression de ce qui se passe dans l'âme : joyeuse, elle cherche à « à persister dans son être », pour employer dans un autre sens la formule de Spinoza ; endolorie, elle se hâte vers de nouvelles sensations. Nous rencontrerons ailleurs de pareilles associations : au crescendo s'unit naturellement le ritardando, au decrescendo l'accelerando. — ^Nlais si l'émotion auo-mente, il va renversement : dans l'allégresse, le cœur bat en même temps plus fort et plus vite ; dans la douleur, plus faiblement etplus lentement. Toute tension de la sensibilité, l'attente par exemple, ralentit l'activité de l'âme et du corps. La détente, au contraire, la redouble soudain, renforçant et accélérant le battement du cœur — comme lorsqu'arrive enfin la nouvelle d'un succès — quand apparaît la bicn-aimée en retard au rendez-vous: « on se sent revivre ». — « Ce n'est pas seulement la violence qui caractérise les mouvements de la colère : ils sont jusqu'à un certain point effrénés, inco- hérents, tumultueux — tandis que le langage de la gaieté est léger, coulant, avec une tendance aux mouvements bien mesurés et rythmés, comme ceux de la danse (3). » — Si le rythme peut ainsi exprimer par lui-même d'au- tres qualités de l'émotion que l'intensité et la rapidité, il le fait bien mieux encore par le choix réflexe, ou tout au moins instinctif, de l'organe parti-

(i) Pour le cœur, v. § 35; pour la respiration, v. g 36. Les modiûcations des muscles vaso- moteurs se manifestent, entre autres, par la rougeur ou la pâleur du visage, du cou, du corps entier. En ce qui concerne le larynx, dont les moindres variations affectent l'intensité, la durée, le timbre et la hauteur des sons, v. I"""^ Partie, § 3i et suiv., 82, 121, 187 et suiv. La gorge se serre, le cœur monte à la gorge, on parle d'une voix étouffée, étranglée, etc., etc.

(2) « Men da den blegeste raedsel og den blegestc vrede scr ligedan ud... ». Bj. Bjornson, l'iskcrjenlcn, Saml. Vaerkcr, IV, Gopenhagxie, 1901, p. io3. — Les émotions fortes présentent aussi au début le même caractère psychologique (v. VVundt, Phys. Psych., III, p. 311). — Comme toute émotion est dès son commencement ou excitante ou déprimante, les indications que je viens de donner sont incomplètes, mais elles su^i^ent ici.

(3) C. Lange, Oin Sindsbevaegelscr, Copenhague, i885.