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Page:Vers et Prose, Tomes 13 à 16, mars 1908 à mars 1909.djvu/243

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inconnues, qu’un lombric gluant lèche à loisir !…
L’immense fleuve aveugle de la douleur ensevelie
porta Glaucus près du marais d’Acherusia,
où, parmi l’eau pourrie de la rive sinistre,
vivent les ombres mornes que la mort apprivoise
et qui viendront revivre encore une autre vie
quand le destin les rappellera sur la terre.

Et Glaucus entrevit ces âmes lamentables,
qui attendent debout parmi la boue durcie
de cette sombre plage, où le flot l’aplatit.
Glaucus leva très haut sa voix pour mieux crier
en appelant sa mère ; « Toi que j’ai offensée !
Ô mère que ma main a frappé durement !
toi que j’ai fait pleurer… Mais je viens, attends-moi !
Je viens sur le grand fleuve éternel de mes larmes !
Je viens à toi maman, ô ma petite mère !
Toi que j’ai fait mourir ! Et voilà que je suis
bien mort pour toi, ma mère, plus mort que tous les morts
de la terre ! Mot qui suis né de toi ! Oh ! oui.
C’est moi qui t’ai frappée ! Mais tu ne peux savoir
avec combien de force et de rage infernale
cette eau maudite lance mon corps contre les roches
pour le broyer là-bas ! Cette eau qui me fouette
en me chassant aux profondeurs de cet abîme !
Et combien il fait noir ! Et quels cris déchirants !
Ah ! pourquoi suis-je né ? Mieux valait ne pas naître.
Pitié… maman ! Pitié ! Pardonne-moi !
Si tu permets que je remonte ! Et il suffit
que tu le veuilles pour que je monte !…
Oh ! oui je serai bon ! et si tendre et si doux