Page:Vers et Prose, tome 12, décembre 1907, janvier-février 1908.djvu/103

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AU SCULPTEUR N. ARONSON,
À PROPOS D’UN BUSTE
DE BEETHOVEN QU’IL ME DONNA…

Ami, maître du marbre et de l’antique argile Qui sous vos doigts savants prend la forme tranquille De votre vision et de vos rêves blancs, Emportant Beethoven entre mes bras tremblants, J'ai gagné l'autre nuit ma paisible demeure… Des filles me hélaient dans l’ombre. C’était l’heure Où Paris éblouit comme une gerbe d’or. Deux amants s’étreignaient au seuil d’un corridor ; Les théâtres étaient remplis d’épaules nues ; Des calèches roulaient le long des avenues ; Les louches assassins, dans leur poche, tâtaient Le manche d’un couteau ; les tavernes chantaient ; Sur les nappes coulait la cire des bougies ; Les tristes débauchés revenaient aux orgies Comme les travailleurs à leur tâche. En pleins cieux, L’humble chambre où songeait un jeune ambitieux, Avec sa lampe rouge avait l’aspect d’un phare. Je serrais Beethoven comme un furtif avare Serre un trésor, et je marchais, n’écoutant rien… Mais la nuit, j’ai rêvé du vieux musicien !