Page:Vers et Prose, tome 12, décembre 1907, janvier-février 1908.djvu/99

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Tu viens, pareille aux vents qui déplacent les sables,
Découvrir le tombeau mouvant du pèlerin.

Dans la nuit du destin ta nostalgie étrange
Du souvenir sans cesse attise les flambeaux
Et l’antique infortune, à ton appel, échange
Contre un manteau de fête un linceul en lambeaux.

Trop souvent dans le cours d’une vie incertaine
J’ai goûté d’un amour qui n’était pas le tien ;
Mais le sein de granit de la tendresse humaine
N’a jamais su meurtrir un front olympien.

Qu’importe que l’horreur m’épie encor dans l’ombre.
Depuis longtemps déjà le pire est arrivé.
Je ne me souviens plus ni du nom, ni du nombre
De ceux qui m’ont jadis d’amertume abreuvé.

Sur mon visage en vain tu chercherais la trace
Des tempêtes qui l’ont autrefois ravagé ;
Leur sombre souvenir flotte devant ma face
Comme au front de la lune un souci passager.

— Toi dont l’ivresse enseigne aux âmes préparées
Que la seule apparence est réelle ici-bas,
Fais-moi noyer au sang de tes vignes sacrées
Et la peur de la vie et l’horreur du trépas.



Que la nuit est profonde au cœur du solitaire !
Tout espoir à jamais semble en être banni.
Nul ami n’en voudrait pénétrer le mystère ;
Le hibou souvenir craint d’y faire son nid.