Page:Vers et Prose, tome 9, mars-avril-mai, 1907.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le bruit du flot encense Hélène. Ce va-et-vient primordial la caresse, et quand elle a sommeil, la berce. La lutte désespérée, toujours reprise, toujours à reprendre, elle s’y prête en riant, la nonchalante ; voluptueuse, elle s’en croit le prix. L’image de la vie passe sur elle, orage qu’elle reflète. Elle joue de l’inquiétude perpétuelle, et se balance à la malédiction de l’éternel mouvement.

Si le bonheur était le rythme de la volupté, quelle certitude hélas, et que tout serait plus simple.

On juge de la beauté sur le plaisir qu’on en attend. Beaucoup de femmes ont cette innocence. Mais, pour quelques hommes, il arrive qu’ils se font une joie d’où le plaisir est presque absent. Chassez-moi ces hommes de la République, dirais-je aux filles de Platon quand elles feront la Loi.

La femme se croit la poésie et l’est peut-être. Mais le poète, c’est l’homme. Hélène elle-même est lasse d’être chantée.

Qui conteste le désir, le tue. Et l’on meurt, pourtant, de désirer en vain.

Hélène, ton tourment c’est le prix que je donne à ta beauté. Ton châtiment, aussi. Tu ne seras pas, tu n’es pas toujours belle.

Le coquillage du monde, entrouvert par la lumière, se ferme insensiblement sur la charnière veloutée de la forêt. Et la perle de feu, le soleil, roule vers le bord ; la valve de nacre, le ciel, descend ; et la valve dont la fraîcheur bleue est une flamme, la lèvre passionnée de la mer, s’enfle et tremble.

Que veut-elle ?