Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/199

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un article aussi lumineux que substantiel, n’hésite pas à conclure : « C’est le cri de sa propre détresse que pousse le poète… Son œuvre est toute passion[1]. »

De toutes les enquêtes il est sorti bien des révélations. On a pu constater des souvenirs de l’île natale dans des poèmes où l’on ne se doutait pas qu’elle eût apporté quelque chose. On a pu reconnaître dans les cris douloureux de ses tigres affamés l’écho des propres souffrances d’un homme qui poursuivait laborieusement le pain quotidien. Edmond Estève a pu expliquer l’originalité de son pessimisme par une tendance précoce à la mélancolie, par un caractère de créole à la fois indolent, orgueilleux et passionné, qui mit un grand déséquilibre entre ses rêveries et ses actes, une disproportion singulière entre l’infini de ses désirs et l’étroitesse de ses rêves. M. Flottes, servi par une rare pénétration d’esprit, a su faire de son livre, où il y a d’ailleurs bien d’autres choses, une explication de la poésie de Leconte de Lisle par l’histoire de sa vie intellectuelle et sentimentale.

L’année même où paraissait ce livre, qui fut très remarqué, M. André Thérive nous apportait quelques pages vigoureuses sur Leconte de Lisle[2], et c’est là, je crois, qu’il faut chercher ce que pense des Poèmes Barbares l’élite des lecteurs entrés dans la vie littéraire depuis la grande guerre. Ils s’intéressent moins à

  1. Revue des Deux-Mondes, 15 juillet 1909 : Les Derniers travaux sur Leconte de Lisle.
  2. Le Parnasse (Collection, le XIXe siècle), 1929, p. 112-117.