animaux, ce fauve est pourtant un malheureux condamné à manger, et par conséquent à avoir faim très souvent.
Le poème de la Jungle nous fait assister au sommeil, puis au réveil de la bête formidable.
Son sommeil dit sa puissance. Le prince de la Jungle s’endort le ventre en l’air ; ses ongles qu’il dresse répandent au loin la terreur ; sa queue qui remue atteste que sa vie n’est pas arrêtée et peut le relever bien vite ; pour respecter son repos, toute rumeur s’éteint ; la panthère elle-même rampe et le python glisse ; la cantharide vibre en son honneur.
Mais son réveil dit sa misère. Quand l’ombre descend à l’horizon en nappe noire, il ouvre les yeux ; il jette au loin un regard morne ; il tend l’oreille ; en vain : le désert est muet ; il n’entend pas les daims ni les gazelles bondir vers les cours d’eau cachés ; la faim creuse son flanc maigre ; alors ce roi, qui ne mangera pas aujourd’hui, miaule tristement[1].
Flaubert écrit à Mme X… qu’au Tigre il préfère de beaucoup le Bœuf. Il trouve la pièce inégale. À son goût, toute la seconde partie est superbe ; les quatre derniers vers sont sublimes. Ce qu’il reproche à la première partie, c’est que « nous perdons trop le tigre de vue avec la panthère, le python et la can-
- ↑ Le poème est dédié à Louis Ménard. Peut-être parce que l’un des héros est un serpent et que Ménard collectionnait les serpents dans la Forêt de Fontainebleau. Peut-être parce que Ménard avait été le confident de la misère du poète et de ses efforts pour lutter contre la faim. Voir Calmettes et Peyre.