Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/84

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parés à la loi qui libérait leurs travailleurs. On le dénonça comme un ennemi de sa patrie. Sa famille ruinée lui supprima sa pension.

De sa sympathie pour les noirs et de sa révolte contre l’esclavage il est passé quelque chose dans les Poèmes Barbares.

Une strophe du Manchy nous fait entrevoir la gaîté enfantine des Noirs, jouant des instruments grossiers rapportés de Madagascar.

Une strophe de la Ravine, citée plus haut, adresse notre pitié au berger noir, à peine vêtu, qui chante mélancoliquement en rêvant à la grande île d’où on l’a tiré.

On reverra ce berger dens les Taureaux, petit poème publié dans les Poèmes Barbares en 1871.

C’est un des poèmes animaliers les plus justement populaires de l’auteur, un des plus fortement composés, un de ceux où en peu d’espace il a condensé le plus de vie, un de ceux que Maurice de Becque a illustrés en 1923.

Devant la mer immobile et nue, sous le rose brouillard qui se tord au faîte dentelé des monts silencieux, sur les versants moussus de la savane, des taureaux paissent l’herbe salée. Ce sont des êtres magnifiques, musculeux, à l’œil sanglant, aux poils lustrés, aux cornes hautes. Tout à coup le chef de la bande farouche tend son mufle camus et beugle sur les flots. Son titre de chef est mérité ; c’est bien lui qui dirige et qui commande, lui qui sait ; c’est lui qui a senti venir l’ombre