Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manger après le carnage. Le sang tombait dans la mer enflée, les combattants mouraient.

Nous avons frappé avec le glaive… Le sang des chaudes blessures rougit le fleuve entier. Le fer gémit sur les armures, la hache brisa les boucliers.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Nous avons frappé avec le glaive… La lueur mortelle de l’épée pénétra à travers les casques rougis par le sang. Le sang tombait des plaies de la nuque, et inondait les épaules. Nous avons frappé avec le glaive… Le rivage était couvert de cadavres. L’acier donna de quoi manger aux loups…


Regnar meurt donc satisfait, conscient de sa bravoure. D’ailleurs, il a fait son temps. Et puis il s’en ira boire chez les dieux qui aiment le courage.


Nous avons frappé avec le glaive. Cinquante et une fois j’ai livré de grands combats. Dès ma jeunesse, j’ai rougi de sang les flèches. Je ne croyais pas qu’il y eût plus valeureux homme que moi. Les Ases peuvent m’appeler. Je ne regrette pas la vie.

À présent, je désire mourir. Les messagères envoyées par Odin viennent m’inviter à entrer dans ses salles. Joyeux, j’irai boire la bière avec les Ases, assis sur des sièges élevés. Les heures de la vie sont écoulées. Je meurs avec joie.


Leconte de Lisle prêtera sans scrupule à son Hialmar les sentiments de Regnar.

Pourtant il ne conçut certainement son poème que le jour où il put confondre avec Hialmar, non pas seulement Regnar, autre Scandinave, mais Durandart, un Français celui-ci, un des glorieux vaincus de Roncevaux, dont Lope de Vega a mis ainsi la mort en scène.