Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/98

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Durandart

Voici mes dernières volontés. Quand je ne serai plus, retirez mon cœur de ma poitrine et le portez à Belerme. Il lui a appartenu tout entier durant ma vie, il est bien juste qu’elle le possède après ma mort…

Montesinos.

Cœur du soldat le plus vaillant qui en France ait ceint l’épée, il est bien juste que je vous détache, pour que, de retour à Paris, je vous présente à celle que vous avez tant aimée. (Il lui arrache le cœur avec sa dague.) Viens, triste et vaillant objet, chéri de la plus loyale des femmes, tu donnes aujourd’hui une marque sans égale d’amour. Et toi, cadavre, maintenant privé de cœur, ce jour malheureux nous met sur la même ligne, toi comme amant loyal, moi comme ami fidèle[1].


Disons avec Voltaire :

Des chevaliers Français, tel est le caractère.

Seulement, pour rendre scandinave ce don si français d’un cœur, Leconte de Lisle a changé l’exécuteur testamentaire. Il a enlevé au guerrier mourant tous ses compagnons. Parmi tant de joyeux et robustes garçons qui ce matin chantaient comme des merles, pas un ne

  1. Le mariage dans la mort. Œuvres dramatiques de Lope de Véga, traduction de M. Eugène Baret, t.1, p. 313. — Le traducteur met en note : « Cette scène est tirée d’une des pièces les plus célèbres du Romancero. Voyez le parti qu’en a tiré Cervantès dans le récit de la caverne de Montesinos (Don Quichotte, 2e partie, ch. XXI).