Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/156

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Le cadre du poème est une vraie trouvaille.

Au cours de son étrange prophétie, la Vola explique que le grand conseil des dieux se rassemble sous le frêne Yggdrasill, image du temps. C’est l’arbre le plus beau, le plus vigoureux qui existe. Il a trois racines qui s’étendent à une immense distance l’une de l’autre : la première touche à la demeure des Ases, la seconde à la source de la sagesse, la troisième à la source des serpents. Ses rameaux couvrent le monde. Là est l’aigle qui sait tout, le serpent qui ronge les racines de l’arbre et les quatre cerfs qui en mangent les feuilles ; là est l’écureuil qui court de branche en branche pour animer l’un contre l’autre le serpent et l’aigle. Là sont aussi les trois Nornes qui président aux destins des hommes. Citons la Voluspa :


Je connais un frêne (Ask) que l’on nomme Yggdrasill… Là viennent les vierges qui savent beaucoup. Elles viennent de la source qui est près de l’arbre. L’une se nomme Urd (passé), l’autre Verdandi (présent). Elles gravent des tablettes. La troisième est Skuld (avenir). Elles donnent des lois, elles déterminent la vie et fixent la destinée des enfants des hommes[1].


Ce sont ces trois Nornes que Leconte de Lisle a prises comme héroïnes. Chacune d’elles ignorant ce que savent les deux autres, Urda conte les origines du monde, Verdandi le règne des dieux, Skulda la fin du monde. La cosmogonie scandinave se divise ainsi, dans le poème de Leconte de Lisle, en trois grands tableaux distincts. La


  1. Chants populaires du Nord, p. 10.