Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lin, il mangeait et buvait. Sa femme était digne de lui. Elle rudoya la servante. — Que ta maîtresse, lui dit-elle, s’en aille dans la forêt de pins ; c’est là que les filles perdues mettent leurs enfants au monde.

Mariatta alla dans la forêt, entra dans une étable et dit à un cheval : — Bon cheval, exhale ton haleine dans le sein de celle qui souffre. — Le cheval obéit aussitôt et la suave vapeur de sa bouche fut pour Mariatta un bain chaud qui inonda son corps. (Si les deux animaux de l’étable de Bethléem se sont changés en cheval, c’est sans doute que ni le bœuf, ni l’âne ne sont communs en Finlande.) La vierge mit au monde un petit enfant et le déposa dans une crèche sur du foin séché par l’été.

Il grandit, mais son origine resta inconnue. Il fut appelé par l’époux de sa mère Ilmori (air, c’est-à-dire sans doute seigneur de l’air, du ciel), par elle enfant du désir, par ses frères enfant de l’oisiveté, par ses sœurs héros du combat, par tous les autres être sans nom.

Cependant, pour l’introduire dans le royaume du Christ, on le baptisa. (Détail bizarre, puisqu’il s’agit du Christ lui-même.) Avant le baptême (soit en souvenir du vieillard Siméon, soit parce qu’en Finlande après la naissance d’un enfant on fait toujours venir le sorcier pour tirer son horoscope), le prêtre dit : — Qui viendra maintenant pour prononcer un jugement sur ce malheureux enfant ? —

Ce fut le vieux Wäinämöinen, le Runoïa éternel, qui s’avança.


Et il dit :

« Qu’on porte l’enfant dans un marais, qu’on lui écrase la tête, qu’on lui brise les membres avec un marteau !