Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/199

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Mon bras n’est point affaibli ; [mais] mon repos est troublé ; mon cœur ne te brises-tu pas ? La tête que je porte m’a porté !


Qu’est-ce que Leconte de Lisle a fait de ces quinze strophes ?

Il les a réduites à six, éliminant redites et longueurs.

Pour conserver ce que les répétitions de mots avaient d’original dans le vieux poème, sans conserver ce qu’elles avaient de monotone, il n’a pas fondu toutes les strophes dans le même moule, mais il a donné à chacune d’elles un refrain formé avec les mots de son deuxième vers :


Loin du Cap de Penn’hor, où hurlait la mêlée,
Sombre comme le rire amer des grandes Eaux,
Bonds sur bonds, queue au vent, crinière échevelée,
Va ! cours, mon bon cheval, en ronflant des naseaux.

Qu’il est sombre, le rire amer des grandes Eaux !

Franchis roc, val, colline et bruyère fleurie.
Sur le funèbre Cap que la mer ronge et bat,
Kenwarc’h le Chevelu, le vieux loup de Kambrie,
Gît, mort, dans la moisson épaisse du combat.

Oh ! le Cap de Penn’hor que la mer ronge et bat !


Toutes les paroles, — peu nombreuses, il est vrai, — qui exprimaient, non la rage, mais la douleur et la pitié, ont été dédaignées, comme dépourvues de caractère : « Je ne le retrouverai plus ; mon bonheur m’est ravi ; mon repos est troublé ; mon cœur, ne te brises-tu pas ? » Tout ce qui respirait l’esprit de vengeance a été, au contraire, retenu, et même accentué, peut-être jusqu’à l’exagération.