Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/20

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L’histoire de Valmiki étant ainsi toute fabuleuse, Leconte de Lisle a pensé qu’il pouvait sans inconvénient ajouter une dernière page à la légende. Alfred de Vigny avait bien raconté à sa manière la mort d’un personnage plus considérable, Moïse.

Et si j’évoque le souvenir du Moïse de Vigny, c’est que le poème de Leconte de Lisle, dans sa première partie, en est une manifeste imitation.

Moïse est au terme de sa carrière. Las de son œuvre, plus las de sa gloire, il gravit la stérile montagne de Nébo, promène un long coup d’œil sur la terre de Chanaan qui se déroule tout entière à ses pieds, étend sa grande main sur la foule des Israélites agenouillée dans la poussière, puis, reprenant son chemin vers le haut du mont, va faire à Dieu sa longue et triste plainte.

Valmiki a cent ans. L’ennui de vivre l’enveloppe. Songeant au long repos où s’anéantit l’âme, il gravit le sombre Himavat jusqu’au faîte et, immobile, contemple une dernière fois les fleuves, les cités, les lacs, les bois,


Les monts, piliers du ciel, et l’Océan sonore.


Bientôt, — et ici cesse l’imitation de Vigny, — la lumière sacrée envahit la terre et les cieux : elle vole et palpite, dore les oiseaux et les éléphants, les radjahs et les chiens, les riches et les parias, et les insectes invisibles, et l’Himalaya. L’âme de Valmiki plonge dans cette gloire, et voilà que renaît en lui la vision des jours anciens. Le poète revoit ses héros,


Le grand Daçarathide et la Mytiléenne,