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séparément, mais qu’elle fait partie d’un tout qu’il désigne sous le titre de Livre de saint Jacques[1]. Cette théorie, fondée sur l’étude d’un certain nombre de manuscrits et en particulier sur celle du Codex Calixtinus qui, conservé aux archives de Compostelle, est l’exemplaire le plus complet et le plus ancien[2] du Livre de saint Jacques, semble prévaloir aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, on ne peut nier que cette chronique latine de Turpin eut un succès énorme au moyen âge. Peintres-verriers, historiens et poètes s’en inspirent et y puisent largement[3]. Il était difficile à Primat de ne pas subir la même influence que ses contemporains et d’exclure d’une vie de Charlemagne une chronique considérée alors

  1. Les légendes épiques, t. III, p. 75 et suiv. et p. 105 et suiv.
  2. Il fut écrit entre 1139 et 1173 (J. Bédier, op. cit., t. III, p. 76).
  3. J. Bédier, op. cit., t. III, p. 112 à 114. La lettre à Léoprand, doyen d’Aix-la-Chapelle, par laquelle débute la chronique du pseudo-Turpin, dut beaucoup contribuer à donner un grand crédit à cette œuvre. Dans cette lettre l’auteur, qui s’intitule Turpin, archevêque de Reims, se donne comme le compagnon de Charlemagne en Espagne et affirme qu’il raconte ce qu’il a vu de ses yeux (propriis oculis intuitus sum) pendant les quatorze années qu’il parcourut l’Espagne et la Galice avec lui et avec ses armées. C’est une imitation du Prologue de la Vita Karoli Magni, dans lequel Éginhard dit qu’il n’a pas cru devoir renoncer à écrire cet ouvrage, puisqu’il pouvait y apporter plus de vérité que personne, ayant participé aux événements qu’il rapporte et en ayant été le témoin oculaire. Aussi, Primat nous apprend qu’il s’appuie sur Éginhard pour écrire la vie de Charlemagne « jusques aus faiz d’Espagne » et que le surplus « jusques en la fin de sa vie » il l’emprunte à l’archevêque Turpin, « certains des choses qui avindrent, come cil qui toz jors fu presenz avec lui ».