Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 6.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

berieres crestiens mananz ovec eus en leur ostiex[1] ; apertement les fesoient judaïzer et departir de la foi crestiene[2]. Li borjois et li chevalier et li païsant des viles voisines estoient en si grant subjection vers iaus par les granz deniers que il leur devoient, que il prenoient leur mobles et leur possessions, et li autre les vendoient pour eus paier, et li auquent tenoient prisons[3] en leur mesons par leur seremenz, en ausi grant subjection come chaitif[4] sont en chartre. Mais, quant li bon rois sot que la foiz crestiane estoit en si grant viuté tenue, il fu moult esmeuz de pitié et de compassion. A un bon home se conseilla, qui avoit non Bernarz[5], saint home et religieus, qui en ce tens menoit vie solitaire ou bois de Vincenes. Cil li loa que il relaschast et quitast touz les crestiens de son roiaume des dettes que il devoient au juis ; si en retenist la quinte partie à son eus[6] ; se il voloit ; et ce fu la pre-

  1. Les Capitulaires défendaient aux Juifs et aux païens d’employer des serviteurs chrétiens : « Placuit ne Juæis mancipia deserviant vel adhæreant christiana » (Baluze, Capitularia regum Francorum, t. I, col. 943, § 119). « Præcipimus generaliter omnibus ut manicipia christiana Paganis vel Judæis non tradantur » (Ibid., col. 1005, § 423).
  2. Le royal ms. 16 G VI, fol. 331, ajoute en note pour traduire un passage de Rigord omis par les Grandes Chroniques : « Et pour ce que Dieu, en un livre du viez testament nommé Deuteronome (chap. XVIII, versets 19 et 20), par la bouche de Moyse, leur commanda que à leurs freres point prestassent, mais aus estranges. Et pour ce prestoient il aus estranges ; c’est assavoir aus crestiens, que il tenoient pour estranges. »
  3. Prisons, prisonniers.
  4. Chaitif, captifs.
  5. Pierre-Bernard de Bré, de Boschiac ou du Coudrai, correcteur des Bonshommes de Vincennes.
  6. A son eus, à son profit.