Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 8.djvu/286

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Et en ce temps fu un faux prophète qui avoit non Dulcinus[1], lequel faignoit mener sainte vie en habit de beguin ; mais il estoit très faux prophète ; car il maintenoit que si comme le Pere, ou temps de la loy de nature ou de Moyse regnoit par puissance qui à lui est appropriée ; et le Filz, du temps de l’advenement Jhesu Crist par sapience, jusques à l’advenement du Saint Esperit ; ainsi de l’advenement du Saint Esperit jusques en la fin, celui meismes Saint Esperit, qui est amour, par debonnaireté regne et regnera perdurablement, et en telle maniere que la premiere loy fu de justice et de rigor, la seconde loy de sapience, la tierce, qui maintenant est, d’amour, de debonnaireté et de charité. Et quelconques chose est demandée ou non de charité, maismement de demander à une femme, ou non de charité, que je habite à li charnelment, elle ne le me puet refuser sanz pechié, mais le me doit otroier et sur ce ne fera point de pechié ; laquelle chose samble très mauvaise à tout catholique. Et autre foiz fut ceste heresie semée par Amauri de Leuve emprès Montfort, ou temps de Phelippe le conquereur[2] l’an M CCXII ; duquel parle une decretale qui se commence : « Nous condampnons », etc.

Ycestui Dulcinus se mist en une montaigne vers Verseilles[3], et là cuida avoir trouvé moult seur refuge ; mais il fu pris de l’evesque de la cité et les crestiens

  1. Sur l’hérésiarque Dulcin (fra Dolcino), fils d’un prêtre d’Ossula et qui fut brûlé à Verceil le 1er juin 1308, voir, dans Muratori, Rerum italicarum scriptores, t. IX, col. 425-460, Historia Dulcini hæresiarchae Novariensis et Addimentum ad historiam fratris Dulcini. Cf. Baluze, Vitae paparum Avenionensium, éd. Mollat, t. I, p. 27-28, et t. II, p. 75-76.
  2. Cf. Grandes Chroniques, t. VI, p. 288.
  3. Verceil, Italie, prov. de Novare (Piémont).